Une vieille voiture est une voiture usagée bonne pour la casse. Au mieux, elle devient un objet de collection.

Une vieille bouteille est bien différente selon qu'il s'agit d'un vieux Bordeaux, ou d'une vieille piquette.

Ce n'est pas l'âge qui fait que la mémoire est bonne ou nulle, c'est ce que l'on a fait de sa mémoire.

C'est la même capacité d'aimer qui est donnée à tous les âges de la vie. C'est le même mot "amour" qui est utilisé, que l'on parle de l'amour de l'enfant pour ses parents, de l'amour découvert à l'adolescence, de l'amour que l'on porte à son premier bébé ou à son dernier petit-fils. Les formes de l'amour changent parce que la fonction d'aimer se vit de nouvelles façons. L'important est d'avoir dans sa vie l'occasion d'expérimenter les mille facettes de l'amour humain découvertes au fil des années.

"L'important c'est d'avoir l'occasion d'expérimenter toutes les formes de l'amour humain"

Notre mémoire change au fil des ans. Sauf maladie, elle ne se détériore pas. Elle vit de nouvelles réalités. L'important est de ne pas passer son temps à regretter ce que l'on pouvait faire autrefois et que l'on ne peut plus faire aujourd'hui. Les taches de la mémoire âgée sont aussi importantes dans le déroulement d'une vie que celles de la mémoire d'enfance. Elles sont différentes. Aujourd'hui est une nouvelle chance offerte à la mémoire.

Les performances de la mémoire évoluent au fil des ans.

On mesure facilement les performances d'acquisition. C'est dans l'enfance que se situe l'âge de la performance d'acquisition. L'enfant est comme une éponge qui absorbe les informations sans même s'en apercevoir.

La performance de l'adulte réside plutôt dans la capacité d'utiliser ce qu'il a appris autrefois en augmentant par petits acquis le capital de l'enfance. C'est une performance d'utilisation.

Il n'y a pas de limite d'âge à la capacité d'accumuler des informations ni à celle de les utiliser. Mais les années voient apparaître un autre besoin : celui de mettre un peu d'ordre dans l'énorme amas d'informations accumulées au travers des années. Retrouver les souvenirs des événements de la vie, les goûter à nouveau, prendre plaisir à les évoquer devient une nouvelle façon de jouer avec sa mémoire, devenue essentiellement mémoire d'intégration. Dans le tourbillon des changements, dans la perte des personnages familiers qui étaient nos proches, dans une certaine solitude qui advient, la mémoire constitue le pilier indispensable d'une conscience de soi ébranlée par la vie. Cette mémoire n'est pas une mémoire inférieure, loin de là. Elle est mémoire de synthèse, de globalisation, d'intégration. Sans doute l'acte le plus important pour que la mort vienne au terme d'un parcours de vie totalement accompli.

Parce qu'il n'y a pas d'instrument de mesure pour ce perfectionnement là, l'accent est porté le plus souvent sur les difficultés ressenties de mémoire : difficulté à retrouver les noms, pertes d'objet que l'on égare, certaine désorientation dans le temps ou l'espace... Ces diminutions ou ces pertes peuvent facilement se voir, et se mesurer. Le travail de synthèse, de sens nouveau donné aux événements de la vie avec l'éclairage du temps, ce travail passe totalement inaperçu aux yeux des superficiels. Peut-être faut-il apprendre à mieux comprendre et donc à mieux vivre ces changements.

Il n'y a pas d'âge limite pour la croissance de nos capacités mentales : intelligence, capacité d'aimer, mémoire.

La mémoire change au cours des années non de se détériorer, mais simplement de vivre. C'est parce que la mémoire vit qu'il lui faudra toute une vie pour découvrir tous les secrets des capacités qu'elle porte.