La gérance du souvenir dans le grand âge
Jacques LACARRIERE, dans un livre au titre révélateur :"Un jardin pour mémoire", part de son jardin et particulièrement du tilleul de son jardin. Et ce sont des fouillis de souvenirs qui remontent. Souvenirs personnels des quelques jours du débarquement et de l'arrivée des américains à Orléans, souvenirs de la grande histoire vue par le jeune garçon qu'il était alors.
"Ce sont des fouillis de mémoire qui remontent ". |
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A 75 ans, soit plus de 50 ans plus tard, les souvenirs remontent en flots continus, enrichis de toute l'expérience, de la réflexion, de la vie, prenant une dimension nouvelle. Beaucoup de personnes le constatent en avançant en âge, les souvenirs anciens semblent remonter en quelque sorte avec plus de facilité. Quelques-uns sont tentés de prendre cette remontée de souvenirs pour une sorte de signe annonçant la dégradation de leur mémoire. En réalité, ils entrent dans une nouvelle phase du travail de la mémoire au cours d'une vie. Après avoir été surtout performante pour accumuler des informations nouvelles, la mémoire se trouve maintenant une nouvelle utilité . Il lui importe moins d'accumuler de nouveaux souvenirs. Il lui importe de retrouver les souvenirs accumulés .,Elle doit maintenant en trouver le sens qui ne pouvait apparaître au temps où se vivaient les événements. C'est la construction progressive de l'image de toute la vie. Oeuvre indispensable pour assurer son identité, se reconnaître au milieu des changements, des mouvements de la vie. Parfois les plus âgés semblent se répéter. Ce n'est bien souvent que l'envers d'un travail de construction intérieure qui échappe aux regards superficiels. Son rôle est pourtant important lorsque l'on s'approche lentement du terme de sa vie. Un besoin intérieur naît de faire le point, de réécouter les souvenirs qui, par leur force émotionnelle, nous aident à vivre aujourd'hui; de réévaluer des jugements que nous avons maintenus toute notre vie, mais qui, à l'heure de la mort, peuvent être revus, de nous réenraciner dans les souvenirs clés qui nous garantissent sur notre identité au moment ou tant de choses semblent vaciller autour de nous. Ecouter la personne âgée : tout le monde a cité la fameuse phrase d'Empaté Bâ : "Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle". Mais c'est trop souvent une fois les personnes décédées que l'on regrette de ne pas avoir pris le temps de les écouter. Ils savaient tant de choses. Surtout, une occasion a été perdue d'aider une personne vieillissante à remettre de l'ordre dans ses propres souvenirs, à se réenraciner en elle-même, à assurer l'unité de cette multitude d'événements qui ont fait sa vie, et constituent son identité d'aujourd'hui. Respecter ce travail d'unité qui se réalise en elle : la construction du puzzle est une tâche prioritaire de la mémoire. Elle ne peut se faire que lentement, et le regard des autres, leur interrogation respectueuse est un soutien considérable dans ce travail. Un regard extérieur nous amène superficiellement à juger régressif cette longue et permanente remontée vers le passé. Il s'agit pourtant bien souvent du travail spécifique de la mémoire de l'âge. Les événements de la vie se vivent souvent 3 fois : le moment où on les prépare, le moment où on les vit, et le moment où, le temps venu, on les reprend pour comprendre le sens et la portée de ce que l'on a vécu. C'est souvent à cette dernière étape que nous assistons dans cette écoute de la mémoire de l'âge. Encourager par notre intérêt le retour de tant de souvenirs. Ils peuvent nous paraître lointains, mais ils ne sont que le terreau plus profond dans lequel notre propre mémoire s'enracine. L'encouragement de notre écoute est sans doute la meilleure façon d'accompagner ceux que nous aimons et qui vont nous quitter prochainement..
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"Encourager le dialogue enfants et personnes âgées" |
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Est-ce que la mémoire arrange le passé avec l'âge?
Il est parfois bien difficile de faire la distinction entre de réels souvenirs personnels d'événements qui nous sont arrivés, et le souvenir que nous avons de ce qui nous a été raconté plus tard. Sans doute aussi parfois, notre souvenir accole des événements qui ont pu être séparés par des mois ou des années, mais qui avec la perspective du temps peuvent nous paraître proches ou concomitants. C'est ainsi que nous pouvons reconstruire, avec beaucoup d'innocence, des événements qui ne se sont jamais passés comme nous nous les rappelons. Quel effroi nous éprouverions si nous avions à témoigner d'événements qui se sont passés plusieurs années auparavant, notre parole étant retenue pour juger de la culpabilité ou de l'innocence de quelqu'un.
Ne nous le cachons donc pas : la mémoire, au fil des années, reconstitue, déplace, transforme les événements. Est-ce une raison pour ne pas lui faire confiance ?
Certes non. Il y faut un peu de circonspection; ne pas hésiter à faire corroborer nos souvenirs par d'autres . S'interroger sur le pourquoi de certains oublis, qui nous semblent innocents, mais qui sont un des subterfuges souvent utilisé par la mémoire pour ne pas conserver des émotions trop perturbantes. |