Quelques pistes pour l'arrière pays de la mémoire

Il ne peut être question de faire des " exercices " d'arrière pays. Chacun de nous peut au moins apprendre à : Mieux connaître son arrière pays Aimer à le découvrir si cela l'enchante Apprendre à mieux le gérer si possible Mieux connaître son propre arrière pays, c'est redécouvrir sans cesse : Son enracinement familial : les parents et grands parents, le terroir où s'est enracinée notre existence, les relations parents enfants, frères et sours, les amitiés de l'enfance comme les amours et les crises de l'adolescence. Son histoire de vie personnelle : Le temps de l'école et des études, brèves ou longues, vie professionnelle réussie ou compromise, laissant parfois dans l'inquiétude ou l'angoisse du chômage, vie familiale, avec ses réussites et parfois ses échecs , santé bonne ou mauvaise rendant la vie agréable douloureuse ou inquiète , expériences multiples de la vie, goûts et intérêts , les voyages, les amitiés et les amours. Son époque et les événements Chacun a traversé plus ou moins d'événements historiques qui l'ont plus ou moins marqué selon qu'il les a vécus de plus près ou de plus loin :la guerre, les prisons , les camps ou l'occupation, les guerres d'Indochine ou d'Algérie, la construction de l'Europe, la découverte de l'information pour tous : télévision, portable, ordinateur..la marche dans les étoiles, les événements plus locaux : la tempête de Décembre 99 ou la tragédie des plages souillées par le pétrole... Enracinement personnel, événements de la vie, environnement global constituent ce fond de tableau qui est le terreau de notre mémoire d'aujourd'hui. Faire un acte de mémoire, c'est sans cesse aller chercher dans cet invraisemblable amoncellement de "traces", l'image ou le souvenir que nous souhaitons retrouver. Chaque souvenir rescapé de cette aventure est un véritable miraculé.    Redécouvrir, c'est déjà commencer à mieux gérer S'il y a un endroit plus fragile, plus douloureux, le souvenir mettra parfois plus de temps à remonter ou refusera tout simplement de venir à la clarté. Ce n'est pas que notre mémoire soit mauvaise. Elle souffre et nous le fait savoir par cette difficulté à laisser remonter ces souvenirs. S'écouter soi-même, laisser notre mémoire nous rappeler ces parts enfouies de nous-même, parcourir par le souvenir ce terreau qui nous constitue et explique tant de nos comportements personnels, est une bonne manière pour lui donner l'oxygène dont elle a besoin, et la fluidité qui parfois lui manque : le terreau est trop compact et du coup trop difficile à remuer. Prenez votre temps, promenez-vous dans votre passé, dans ce formidable terreau qui constitue votre personnalité, ce qui fait que vous êtes différent de toutes les histoires humaines de tous les temps. Il n'y a que vous à avoir vécu cette histoire-là. C'est la votre. Aimez-la. Elle est votre mémoire. Et maintenant, partez à la rencontre de votre mémoire : Prenez un album de photos, de n'importe quelle époque de votre vie. Asseyez-vous et feuilletez-le lentement. Laisser remonter les souvenirs liés aux photos qui se suivent. Mettez un nom sur les personnes, sur les événements qu'elle évoquent. Datez-les si vous le pouvez. Laissez les souvenirs, les émotions remonter lentement. Prenez le temps d'écouter en vous ce chant de votre mémoire. Tout ce qui surgit en vous est un morceau de vous. Donnez-lui l'occasion de vivre un temps à l'air libre de votre mémoire. Vous y rencontrerez beaucoup d'émotion probablement. Vous ne saviez même plus que tout cela était en vous. C'était un arrière pays de vous dont vous ne mesuriez pas l'importance et la présence. Ou encore : Asseyez-vous calmement dans votre fauteuil préféré. Comme le disait Montaigne, vous allez "Donner audience à vos pensées". Partez d'un moment de votre histoire, celui qui vous viendra spontanément. Laissez ensuite votre pensée filer seule, sans la retenir. Elle vous guide d'elle-même et s'en va où elle veut vers ces souvenirs, plus forts ou plus ténus, parfois peut-être vers ceux que vous n'aimez pas fréquenter. Donnez de l'air à ses souvenirs c'est encore une façon de leur permettre de vivre, de ne pas agir par en dessous pour se maintenir coûte que coûte en survie. Ou encore : Choisissez la façon qu'il vous plaira de vous retrouver avec vous-même, votre histoire, votre passé et cette multitude de personnes et d'événements qui vous ont construit. Apprenez à gérer ces souvenirs qui vous encombrent et que vous souhaiteriez parfois rayer de votre mémoire. Ils sont là, mieux vaut apprendre à vivre avec eux plutôt que de les refouler, les laissant vivre en vous sans vous. Votre passé est votre ami le plus sûr. Aimez-le, il vous le rendra.   De cette façon ou d'une autre vous assurez la ventilation de votre mémoire. Vous permettez que votre présent soit toujours en accord avec ce passé qui est le sol sur lequel vous vous appuyez en permanence. Vous éviterez beaucoup de ces déséquilibres, de ces petits vertiges qui se disent en pertes de mémoire dont on se plaint en les mettant sur le compte de l'âge. Ce n'est pas la mémoire qui s'en va, c'est le sol sur lequel vous marchez qui n'est plus assez en contact avec votre présent. Reprendre contact avec ce passé est alors la meilleure façon de bien vivre le présent. C'est peut-être ce qui explique le besoin, plus fréquent quand s'accumulent les années, de se rappeler un passé qui devient de plus en plus lointain, et qui pourtant reste le terreau fertilisant et le terrain solide sur lequel s'appuie toujours le présent. Souvent alors, les personnes se mettent à une table, sortent une feuille de papier, et se mettent à écrire. Histoire de laisser à ceux qu'elles laisseront derrière eux quelques souvenirs qui ne seraient plus rien si leur mémoire, un moment n'avait éprouvé l'envie de les fixer. Et, page après page, ces images échappées au temps deviennent récits de vie. La mémoire achève son ouvre. Elle a conservé, et maintenant, elle transmet.