Textes Intégraux

LA RETRAITE...... TEMPS PLEIN ?

TEMPS VIDE ?

L'image du retraité par rapport au temps est souvent un peu contrastée:

  • Il y a le retraité un peu dépressif, qui s'ennuie, cherche à occuper son temps comme il peut...
  • Il y a le retraité super-actif, dont le calendrier est hyper-plein. Impossible d'avoir un rendez-vous avant 2 mois.

C'est vrai qu'il faut prendre conscience de réalités mal appréciées: le temps est comme l'air que l'on respire. On s'aperçoit qu'il existe lorsqu'on en manque à 4000mètres d'altitude en montagne, ou tout simplement lorsqu'il y a du vent, ou qu'il fait froid parce que l'air est frais, ou quand l'air manque par maladie: nécessité d'emporter ses bouteilles d'oxygène

Prenons conscience ensemble:

On a donné du temps à la vie: l'espérance de vie de chacun était d'environ 35 ans à la révolution, 45 ans avant la guerre de 1914; elle est aujourd'hui à peu près de 80 ans pour les femmes et 73 ans pour les hommes.

Mais cette rallonge de temps est inégalement répartie:


. on a rallongé l'enfance, et l'adolescence qui se prolonge volontiers aujourd'hui jusqu'à 20 ou 25 ans, alors que la majorité des ruraux qui prennent leur retraite aujourd'hui ont commencé à travailler à 14 ou 16 ans.


. on a rajouté du temps à la fin de la vie en inventant la retraite à 60 ou 65ans, avec un temps ouvert au delà de la retraite de 15 à 30 ans.

      Certaines personnes en arrivent à avoir un temps de vie à la retraite aussi long que leur temps de travail. Si on fixait la retraite aujourd'hui avec les critères. qui ont servi à la fixer, en 1945, à 65 ans, il faudrait placer la barre à plus de 80 ans.

      Ce temps supplémentaire n'est plus comme autrefois, le fait de quelques-uns. Il est programmé pour le plus grand nombre. Il arrive aujourd'hui que la maladie emporte parfois une personne de 50 ou 60 ans. C'est un accident, un peu comme il y a encore quelques accident de parcours qui emportent des enfants à la naissance. Nous avons maintenant à programmer notre vie pour une vingtaine d'années après la retraite.

      Le décalage d'espérance de vie Hommes-Femmes pose un très réel problème. Les femmes épousant souvent des hommes plus âgés de 4 ou 5 ans, et ayant une espérance de vie de près de 8 ans supérieure, c'est un décalage d'espérance de vie de plus de 10 ans qui apparaît dans le couple. Ces résultats statistiques ont comme conséquence:

      • Les hommes ont plus de chance de vivre leur vieillesse en couple.
      • Les femmes ont plus de chance de vivre seules les 5 ou 10 dernières années de leur vie.

      En donnant du temps à la vie, on a permis à beaucoup de gens de devenir Agés.

      • Qu'est-ce qu'une personne âgée. Existe-t-il des personnes non-âgées?
      • Grande difficulté pour notre époque de parler de ces gens: On n'ose plus les appeler des "Vieux" sauf J. Brel et Sardoux. On a inventé des expressions étonnantes pour désigner ce temps: "Temps retrouvé", "Temps libre", le "3ème Age" par opposition au 4ème ou au 5ème.Qu'est-ce qu'un âge qu'on ne sait plus comment nommer?

      A quel âge devient-on âgé ?


      Balzac parlait d'une vieille femme en parlant d'une femme de 35 ans. PINAY est-il un "Vieux"? Et Denise Gray? N'est-on pas toujours l'âgé de quelqu'un? Cf. enfant parlant des vieux du primaire par opposition à son école maternelle. "Est vieux celui qui est né 5 ans avant moi" disait malicieusement un vieux médecin de 87 ans qui se garantissait ainsi une jeunesse perpétuelle.

      En général, on ne se sent pas vieux à l'intérieur.


      C'est la glace, ou bien ce sont les autres qui nous renvoient une image de vieux. (La première fois que l'on s'entend désigner par "le petit vieux"!, on pense toujours qu'il s'agit de quelqu'un d'autre)

      Nous allons réfléchir sur ce temps qui nous est donné. C'est la réflexion d'une science qui s'appelle la Gérontologie, non pas science du vieux, ou des vieux, mais:

      Science de l'Age, et des Passe-Ages.


      Comment l'on passe d'un âge à un autre. On connaît par cour tout ce qui se passe entre 0 et 5 ans. Mais quelles sont les étapes de la vie entre 50 et 100 ans? Comment faire pour être bien dans l'âge qu'on a ? Sans passer sont temps à regretter l'âge qu'on n'a plus et à redouter l'âge qu l'on va avoir.

      Science des croissances.


      Comment cela grandit? Il faut sortir de cette idée ridicule que la seule croissance possible est celle de notre corps. Sorte de privilège qui serait alors réservé à la jeunesse. "Toute étape de vie est croissance et lutte pour cette croissance" disait le Pr. JUNOD.

      "Plus haut, plus vite, plus loin" était la devise des jeux olympiques. Cela devient ridicule avec l'âge si on prend cette devise au seul sens physique du mot"

      Mais il n'est pas faux de penser que l'homme de 80, 90 ans apprend chaque jour à regarder la vie de plus haut, à voir les évènement avec du recul, et que c'est vrai le temps lui parait avoir passé bien vite. En ce sens réussir sa vieillesse, ce nouveau regard et cette nouvelle place dans la vie, est une épreuve digne des épreuves olympiques. Et elle a ses champions. Pas forcément ceux qui vivent le plus longtemps. Mais ceux qui restent vivants jusqu'au bout de leur vie.

      Qu'est-ce qui va grandir en nous durant ces années où nous aurons aussi à accepter quelques pertes? Céline disait de la vieillesse qu'elle était" le temps où il n'y a plus assez de musique en nous pour faire danser la vie".

      Quelle musique? Quelle croissance?

      • De quoi donc est fait le Temps, et comment apprenons-nous le temps?
      • Le temps du retraité!
      • Pistes pour la musique du temps.

       

      1°) DE QUOI DONC EST FAIT LE TEMPS ?

      Nous disions que le temps est un peu comme l'air que l'on respire. Nous ne le découvrons que lorsqu'il change. On s'aperçoit du temps météorologique lorsqu'il est "mauvais", ou "beau" ou lorsqu'il va changer. Quand il pleut et que nous attendons le soleil, quand il fait beau et que nous espérons la pluie.

      De même nous ne prenons conscience que nos activités se déroulent dans le temps, que lorque le temps est trop court: "Je n'ai pas le temps", lorsque le temps est trop long: "Le temps n'en finit pas". Autrement dit lorsqu'il y en a trop ou pas assez. Ou bien s'il y a des remous, des fractures dans le temps: le temps d'un changement d'école, d'un déménagement, d'un changement d'activité ou de l'entrée en retraite.

      A l'image de la lumière blanche qui est faite de toutes les couleurs de l'arc en ciel, le temps est un matériau fait de plusieurs ingrédients. Il est fait

      • de rythmes
      • de durée,
      • de projets, d'horizon

 

RYTHMES

C'est une chose que les personnes vivant à la campagne connaissent encore bien: il y a le rythme du jour et de la nuit; le rythme des saisons; le rythme quotidien des bêtes à nourrir; le rythme des croisances, des moissons, des fruits murs...

Il y a des rythmes plus artificiels: celui des journées : "Métro, boulot, dodo..." Rythmes des vacances d'été, et maintenant d'hiver avec les embouteillages sur les routes.. Rythme des évènements annuels: Roland Garros ou Tour de France...

Il y a les rythmes de la vie: enfance, age adulte, age mûr...

Ces rythmes sont à la fois naturels: il y a les couche tôt et les lève tard....et artificiels, appris dans une civilisation donnée: comparer le silence des nuits dans les grandes villes du nord, et l'agitation tumultueuse et bruyante des nuits des villes du midi dans la chaleur de l'été.


DUREE

Difficile à définir. N'est qu'un objet d'expérience personnelle.

Le temps, c'est long ou c'est court. Cela peut paraître interminable lorsque l'on attend dans l'angoisse. (Cf parents qui attendent un signe après l'enlèvement d'un enfant) Le temps est toujours long lorsque l'on souffre. (Cf. ce "goutte à goutte des minutes")

Celui qui n'a jamais eu d'insomnies ne sait pas ce que représente une nuit sans sommeil, et la longueur du temps. Celui qui n'a jamais été un peu dépressif non plus...

PROJETS

C'est le fait d'avoir des projets, des désirs qui donne au temps un sens, une tension.

Le projet joue le rôle du voltage dans une lampe. S'il n'y a pas de voltage, il n'y a pas de courant. Si l'on met du 110 volts dans une lampe faite pour le 220, elle ne donne qu'une faible lumière. Si l'on met du 220 dans une lampe faite pour le 110, elle éclate.

Ainsi va la vie. Elle doit être sous tension. Trop peu de projets laisse une vie inerte et sans souffle. Trop de projets peut écarteler et disperser. Comment ne jamais manquer du bon compte de projets? Et ceci à tous les âges de la vie.

Mais comment donc avons-nous appris le temps?

C'est une longue histoire dans laquelle chaque étape compte, et nous sommes en route, bien des découvertes sont encore devant nous.

Il y a l'étape du bébé: lorsque la faim le prend, il se met à attendre à la fois son biberon, et celle qui le lui donnera. Et il a autant faim de lait que de l'amour de celle qui le lui apporte. C'est ainsi que s'apprend le temps: dans l'expérience de la tension entre un besoin et un désir.

Des expériences ont été tentées qui montrent que des bébés mal alimentés mais bien dorlotés parce qu'aimés, se portent mieux que des bébés bien alimentés mais peu dorlotés. La première expérience du temps elle se fait ici. Elle sera satisfaisante si le biberon et la maman arrivent à point nommé. Elle pourra être lourde d'angoisse si le biberon ne venant pas à temps, la peur d'être abandonné vient s'installer au cour de cette attente et la rendre douloureuse.

Vient l'étape de l'école: celle où l'enfant doit apprendre à entrer dans le temps des autres. Etape qui va rogner les envies ou les désirs pour imposer un rythme collectif dans lequel beaucoup de l'originalité de chaque enfant va s'engloutir. Cf. difficultés pour l'enfant comme pour la mère de la première journée d'école.

Plus tard viendra le temps du travail. Il introduira un nouveau rythme, marqué par la régularité, la sanction des retards, les levers tôt et les couchers tard, .masqué parfois par le sentiment d'être libre, l'argent donnant l'indépendance, alors qu'en fait il programme, en dehors de nous, près de 90% de notre temps disponible.

Vient un jour le temps de la retraite. Il est vécu de façon bien différente selon les personnes, les circonstances. Autre est l'entrée en retraite de celui qui a préparé son départ de longue date, et celui qui apprend sa mise en retraite anticipée au détour d'une mesure de regroupement d'entreprise, ou de "dégraissage" de personnel.. Cf. expériences de cadres licenciés.

Mais le scénario est essentiellement le même.

La société nous livre un double message:

  • Tu as, pendant de longues années, donné tout ton temps disponible à la société. Aujourd'hui la société te remet tout ton temps. Désormais tu es libre d'en faire ce que tu veux. Chaque minute désormais t'appartient. Il tient à toi d'en faire ce que tu veux.
  • Sache seulement que maintenant, moi société, je n'ai plus besoin de toi. La vie active à partir de maintenant passera en dehors de toi. Tu es socialement un "inactif"

Ce message est redoutable. Quelques-uns retrouveront rapidement un nouvel équilibre. D'autres mettront des mois ,voire des années à rechercher, plus ou moins bien, comment se situer dans ce temps nouveau.

Trois façons de se situer dans le temps

Dès les premiers mois de notre vie, nous avons pris des habitudes, des façons personnelles de réagir par rapport au temps. On peut tenter de les rassembler en trois grands styles de comportements:

Il y a les TEMPORO-ADAPTES. Ce sont ceux qui dès le départ ont vécu une bonne relation entre leurs désirs et la satisfaction. L'attente du biberon n'a pas été trop longue. Elle leur a donné un sentiment de confiance dans le temps qui leur permet de vivre l'aujourd'hui paisiblement. Ils sont capables de s'adapter aux imprévus de la vie. Ils ne redoutent pas le futur, mais le voient plutôt comme une chance qui leur est offerte.

Ils s'y engagent paisiblement.

Il y a les TEMPORO-ANGOISSES. Il s'est passé chez eux quelque chose qui a troublé le déroulement normal de la vie entre le besoin, le désir et la satisfaction. Ils vivent alors avec l'inquiétude d'un temps qui pourrait leur manquer, ne pas leur apporter ce qu'ils attendent. Il leur faut donc contrôler le temps. Il faut le dompter. Il faut avoir prise sur lui.Il faut le dominer.

Ce sont toutes les personnes qui vivent dans un désordre extérieur, manifestant leur désordre intérieur. Elles n'arrivent pas à maîtriser leur espace de vie comme elles ne maîtrisent pas leur espace de temps, et elles vivent cela dans l'inquiétude.

Ce sont celles aussi qui, au contraire, s'acharnent à mettre de l'ordre partout, dans leur maison, dans leur vie, dans leur emploi du temps hyper-organisé. Ce sont les obsessionnels de l'ordre et de l'exactitude. Toute cette organisation stricte laisse apparaître une sorte de peur devant l'imprévu. Ces personnes sont très utiles dans la vie sociale, parce qu'elles sont ponctuelles, organisées, scrupuleuses. Elles ne rendent pas toujours la vie facile à leur entourage familial ou à leurs collègues de travail.(Un bon critère pour se repérer: comment vivons-nous les préparations à partir en voyage?)

Il y a enfin les TEMPORO-ALLERGIQUES. Ceux-la ont sans doute assez bien vécu les premiers mois de leur relation au temps, mais en grandissant, n'ont pas réussi à se mouler dans le temps social dans lequel on a voulu les introduire. Ce sont d'incorrigibles retardataires, qui ne se plaisent que dans l'improvisation. Ils ont des agendas, mais oublient de les regarder. Ils ne tiennent jamais longtemps à la même place, sauf s'ils trouvent l'endroit qui leur plait. Ils ne préparent jamais un projet longtemps à l'avance, mais sont les rois de l'improvisation. Ce sont souvent d'excellents animateurs de groupe à cause de leurs qualités d'improvisation.

On trouverait probablement dans cette catégorie, beaucoup d'enfants en échec scolaire. Ils ne sont pas inintelligents. Mais leur rythme personnel ne s'adapte pas à celui que, de façon de plus en plus stricte, la vie sociale nous impose.

Dans beaucoup de difficultés de jeunes à entrer dans le travail, dans les fuites vers la drogue, le tabac, ou l'alcool, il y a probablement assez souvent comme des réactions allergiques à l'entrée dans le temps cloisonné proposé, sans échappatoire possible, à la plupart de nos vies.

Sans doute n'y a-t-il pas de personne qui soit strictement d'une seule catégorie. Nous sommes tous un peu adaptés, un peu angoissés, un peu allergiques. Cela dépend des moments, des situations. Mais il y a des pentes plus habituelles de notre caractère dont il nous faut tenir compte.

Essayons donc de comprendre maintenant comment, avec notre style propre, notre structure personnelle de temps nous allons aborder les changements de rythme, de durée, de projets que nous propose le temps de la retraite.


2°) VIVRE LE TEMPS DE LA RETRAITE

Nous voilà donc seuls, à l'entrée en retraite, avec une véritable tornade dans l'organisation de notre temps. Avec une double caractéristique:

Tout est bouleversé: non seulement l'organisation même de notre temps, mais les appuis habituels : professions, déplacements ne peuvent plus masquer le problème. Tout ce qui mettait notre temps à la fois en mouvement et en ordre est bousculé.

Nous sommes plus seuls que jamais pour affronter ce bouleversement: chacun dans le couple doit résoudre ce problème pour lui-même.

Il nous faut:

  • Trouver notre rythme
  • Découvrir la durée
  • Créer nos projets


TROUVER NOS RYTHMES

· La majorité des rythmes appuyés sur le travail disparaissent:

  • Rythme du lever: faut-il mettre son réveil?
  • Rythme du coucher: était commandé par l'obligation de se lever pour le travail.
  • Rythme des vacances: absurdité de parler de la retraite comme d'un temps de vacances. Le propre des vacances est d'être limité dans le temps. Beaucoup vers la fin des vacances aspirent à la rentrée.
  • La vie sexuelle elle-même était souvent marquée par le rythme de la semaine. La nécessité de se lever tôt le matin restreignait certaines ardeurs du soir.
  • Chacun, seul, en couple, en famille à l'entrée en retraite est appelé à retrouver des rythmes personnels à sa journée, à sa semaine, à ses années.
  • Au départ double sentiment:
  • Sentiment de flottement, avec parfois légère inquiétude, appréhension.
  • Sentiment de liberté, de respiration, avec parfois une overdose de liberté qui peut affoler ou paralyser.
  • Deux caractéristiques de ce travail pour retrouver nos rythmes:

C'est un travail personnel:


ce sont mes choix, mes goûts, mes désirs qui petit à petit vont me permettre de construire ces rythmes nouveaux. Avoir le temps de s'écouter est le privilège offert à cette étape de la vie, mais on n'y a été que peu habitué pendant les années de travail. On n'aime pas "s'écouter". Sentiment de paresse, de sensiblerie, de faiblesse. Or, il faut que je le sache, personne maintenant ne m'imposera de rythme que je n'aie d'abord accepté . Jamais je n'ai eu autant l'occasion d'être moi-même, sans contrainte. En ce sens la retraite est vraiment le temps de la liberté. Et personne ne peut faire à ma place ce travail de reconstruction


C'est un travail qui concerne tous les aspects de ma vie :


rien n'échappe à cette nécessité de trouver un rythme nouveau:

  • Mon corps: sommeil, nourriture, activité sportive, respiration...
  • Mon cour: le temps des petits enfants, mais aussi des amis, de nouvelles amitiés, temps de la rencontre gratuite.
  • Mon intelligence: quelles sont mes curiosités, mes soifs de connaître ou d'apprendre? Comment s'organiser pour entretenir jusqu'au terme de la vie notre capacité de connaître et de comprendre?
  • Ma relation avec la société: mon lien antérieur était presque toujours construit sur le travail. Il y a maintenant une rupture. Comment vais-je retrouver une place au sein d'un ou plusieurs groupes, qui rythme mes journées, mes semaines, mes mois, me donner un sentiment d'utilité sociale?

Importance de réfléchir sur le comment nous nous y prenons pour retrouver nos rythmes personnels, parce que au cours des années qui viennent plusieurs occasions viendront qui risqueront de faire appel à cette capacité de nous adapter à des situations nouvelles: ce sera souvent à l'occasion de moments difficiles de la vie:

  • - La maladie, qui bouleverse temporairement ou définitivement le bel équilibre que nous avions réussi à construire.
  • - Un départ, un deuil qui nous laisse plus seuls et livrés à nous-mêmes. Ce n'est pas toujours facile d'accepter le départ des enfants qui laisse notre maison comme un grand bocal vide.
  • - Une obligation de déménagement qui nous oblige à reconstruire complètement notre existence, dans un cadre totalement nouveau.

Le secret de la réussite de notre nouveau temps réside beaucoup dans cette capacité de nous adapter à des situations nouvelles. L'ADAPTABILITE, capacité de changer nos habitudes à un moment ou nous voudrions nous asseoir toujours dans le même fauteuil! Condition de la réussite de l'âge.


DECOUVRIR LA DUREE

On a peu l'occasion de s'apercevoir de la durée du temps. En général les gens se plaignent de courrir après le temps. Le temps parait alors très court.

  • La durée ne nous arrive qu'à l'occasion de chocs, de ruptures de rythmes, qui sont la plupart du temps douloureux:
  • La souffrance: une rage de dent, une maladie...On dit:"long comme un jour sans pain"
  • Une longue attente: celle de celui qui attend les nouvelles dans une salle d'attente après une opération risquée de celui qu'il aime....
  • Les insomnies...

La durée arrive parfois aux retraités, lorsqu'ils n'ont pas encore trouvé leurs nouveaux rythmes, ou lorsqu'ils entrent dans une période un peu dépressive:

Le mari qui passe sa journée complètement seul tandis que sa femme continue à travailler.

La femme seule, qui se lève le matin en se demandant à qui elle pourrait bien avoir l'occasion de parler dans la journée. Cf. : "Durant ces trois jours je ne dirai qu'un mot: le merci à mon boulanger qui me donnera ma baguette de pain! C'est un peu court!".

Cf. : Cet homme de 80 ans, qui m'explique le sens de ce que les autres autours appellent sa détérioration: "Je perds des choses...mais, un objet qu'on perd, c'est un objet qu'on cherche... un objet qu'on cherche.... cela fait toujours un peu de temps occupé."

Celui qui éprouve le poids de la durée se sent souvent un peu seul et étranger dans un monde ou chacun se plaint de ne pas avoir le temps. Et pourtant cette expérience est très riche.

Etrangement, en nous faisant prendre conscience de la longueur du temps, elle nous introduit à une réalité profonde que chacun cherche plus ou moins à fuir, à savoir que la durée de notre temps est limitée. C'est peut-être à cause de cette porte entr'ouverte sur les limites de la durée de notre vie, que cette expérience est peu partagée. On n'aime pas beaucoup parler de sa mort.

Pourtant, accepter d'avoir l'âge qu'on a, accepter qu'au terme de cet âge il y a la mort comme terme de notre parcours de la vie, est la condition d'un bon vécu de la durée.

Savoir que l'on n'a aucune prise sur le sentiment de la durée. Le seul lieu où l'on peut agir, c'est en retrouvant nos rythmes, ou en réinventant des projets.

CREER NOS PROJETS

  • Sans que nous y prenions garde, la plupart du temps, notre vie est constamment tissée de projets, petits ou grands, à court terme ou à long terme, dont nous poursuivons la réalisation. Ce sont ces projets qui donnent un sens à notre temps, sa tension, qui le rythment et nous donnent le sentiment d'une durée bien remplie.
  • Projets de situation, de vie familiale, de voyages , de sport...

En tous se découvre un désir qui donne une tension à notre temps.

  • Parfois ,nous avons le sentiment de ne plus avoir de projet, parce que nous sommes pris dans les activités qui découlent des projets que nous avons mis en route antérieurement: travail , famille, vie politique ou syndicale. En fait, à ces moments, notre vie est pleine de projets en cours de réalisation.
  • La retraite, parce qu'elle vide notre temps de tout ce qui l'occupait antérieurement, ouvre un immense espace vide, les projets vont pouvoir s'y ébattre. Nous allons le vivre de façons bien différentes:
    • Les Temporo-angoissés sont ceux qui risquent de le vivre le plus mal. L'absence de structures, de découpage rassurant de leur temps, les met dans l'insécurité. Ils vont donc
    • Ou sombrer dans la dépression
    • Ou se redonner le plus vite possible le maximum d'activités qui jouent le rôle de "bouche-temps"et empêchent le sentiment dépressif.
    • Les Temporo-adaptés vont sans doute subir un choc, mais ils vont tranquillement s'adapter à une situation nouvelle, et se reconstruire dans les 2 ans, une nouvelle existence convenant à leurs goût et leurs désirs. Ils vont donner libre cours aux désirs qu'ils n'avaient jamais pu réaliser.
    • Les plus heureux sont les Temporo-allergiques. Finies les contraintes que 60 années de travail leur ont imposées. Ils fourmillaient déjà de projets, et ils s'en vont maintenant, hors de toute contrainte vivre leur vie, comme bon leur semble.

Mais pour tous, quelque soit notre tempérament, on peut proposer quelques pistes, à titre indicatif:

  • Retenir le conseil de P.Emile VICTOR, interrogé sur son perpétuel optimisme à plus de 80 ans, et qui répondait:
    "Je ne m'endors jamais le soir sans avoir préparé ma petite dose d'enthousiasme pour le lendemain."
    • Avoir des projets est une sorte de condition indispensable pour que le temps nous paraisse "Vivant". On sait que notre cerveau ne peut vivre si l'électroencéphalogramme est plat. Notre temps nous semble mort si notre "electro-projectogramme" est plat. Sans projet, pas de vie.

Bien sur il convient de réfléchir sur ce qu'est un projet à 60, 70, 80 ans. Certains disent qu'on ne peut plus faire de projet lorsqu'on approche de la mort. Sans doute une fausse réponse à une vraie question. Peut-être est-on plus dépendant des autres pour la réalisation, mais nous sommes déjà mort si notre désir ne se fait plus entendre. Ne serait-ce que le désir de laisser de nous une image qui nous satisfasse. Cela encore est un projet: Cf. cet homme qui le matin de sa mort expliquait à son petit fils: "Tu sais, la tête, cela va encore! Cette nuit je me suis récité toute la liste des rois de France".

En réalité la capacité de faire des projets dépend de ce que nous sommes intérieurement: la vraie question à la retraite est plutôt: mais quelles sont mes curiosités, quels sont mes intérêts, quelles sont mes passions? "Donnez-moi une passion et je soulèverai le monde". Ceux-la apparaissent comme vivants qui gardent dans leur cour une curiosité, un intérêt pour la vie et le monde qui les a animés d'ailleurs durant toute leur vie, et suffisamment de personnes à aimer pour que la vie soit vivante.


3° PISTES POUR UN TEMPS "VIVANT"

UN TEMPS RESPONSABLE

Contrairement à ce que beaucoup pensent, jamais nous n'avons été aussi responsables de nous qu'aujourd'hui.

Pour beaucoup d'entre nous, notre temps s'est fait presque tout seul. Une fois posé le pied dans notre métier, une fois trouvée la personne avec qui partager sa vie, il restait peu de place pour le tout à fait nouveau. Il fallait assumer pour que se déroulent les engagements pris. Il n'y a plus rien à INVENTER.

Aujourd'hui, nous voilà tout entiers affrontés à un temps totalement libre, où rien n'est écrit, rien, ou presque rien n'est obligatoire. Il tient à nous de donner un contenu à ce temps, autrement dit un rythme et des projets.

Ceux qui tirent le meilleur parti de ce temps semblent être ceux qui acceptent d'entrer en apprentissage: tout est à apprendre, à inventer. Cela demande énergie, initiative:

Créativité: chercher à faire ce qu'on n'a jamais eu l'occasion de faire, s'ouvrir sur quelque chose de nouveau. Mais aussi développer les parts de nous-mêmes qui n'ont jamais eu la possibilité de se vivre: Cf les découvertes pour la peinture. Voire des ouvertures originales comme l'informatique à 78 ans, pour permettre le dialogue avec enfant et petits enfants informaticiens.

Apprentissage: sachant qu'il n'y a pas de limite d'âge aux apprentissages, prendre le risque de se livrer à quelque chose qui va ouvrir:

  • notre corps: "je fais à 90 ans des choses que je ne faisais plus depuis que j'ai eu mes 80 ans."
  • notre cour: Pas de limite d'âge aux capacités d'aimer. Par contre risque de rétrécissement, de renfermement.
  • notre intelligence: universités, bien sur, mais aussi groupes de lectures de cinéma, voyages.
  • notre vie relationnelle:prendre pied dans des groupes est toujours une aventure. Mais seuls ceux qui le font évitent le piège de l'isolement qui risque de se refermer: multitudes de réalisations dans les milieux ruraux.

LA REVANCHE DES "INACTIFS"

La société nous déclare "INACTIFS"

Ce mot, elle l'a inventé en 1945, mais sans doute n'oserait-elle plus l'inventer aujourd'hui, tant les 10 Millions de retraités occupent une place active dans des secteurs multiples.

Mais cette activité se situe en majeure partie dans ce qu'on appelle les activités "Non Marchandes", c'est à dire celles qui ne font pas l'objet d'un salaire.

En additionnant les millions d'heures d'activité authentique et indispensable à la société de tous les "inactifs", un économiste a montré que le budget potentiel de cette activité non-marchande était aussi important que celui de l'économie marchande, celle qui est sanctionnée par un échange d'argent: salaire ou commerce.

Ce temps que le retraité transforme en temps utile, au moment où cette société le déclare inactif est une revanche extraordinaire. Ce sont des millions d'heures qui sont offertes gratuitement partout où il y a seulement besoin de relation, d'écoute, de conseil, d'amitié, de partage des responsabilités. Cela va des heures écoulées à jouer avec les petits enfants, à l'entraînement des adolescents dans les clubs sportifs, aux responsabilités dans les conseils municipaux, voire même aux mois passés à l'étranger pour transmettre un peu de notre savoir accumulé à des pays en voie de développement qui n'ont pas eu notre chance.

Ces millions d'heures d'activité sont un témoignage extraordinaire que ce temps de la retraite peut être un temps de créativité, et de vitalité.

Il n'y a pas de limite d'âge à l'utilité sociale.

La société a besoin de tous les âges de la vie.

Encore faut-il que chacun puisse trouver sa place. Cette responsabilité relève de l'initiative de chacun. Elle relève aussi de l'organisation sociale qui, rejetant les idées toutes faites et volontiers excluantes au profit de la jeunesse, donne leur place à tous les âges de la vie. Cf. l'expérience du "Conseil des Anciens" qui partie d'une petite ville de Bretagne, se développe maintenant avec succès dans beaucoup de régions de France.

POUR QUE JEUNESSE VIVE, IL FAUT QUE VIEILLESSE S'ECLATE

L'entrée des jeunes dans la vie est de plus en plus difficile.

Nous savions nous que, après nos années d'étude, nous aurions à travailler. Ils ne savent pas eux, si après de nombreuses années d'étude, ils pourront trouver une place dans une société de plus en plus exigeante et stressante.

Dans le même moment on leur décrit le groupe des "âgés" comme un groupe de gens "inactifs', donc inutile, qui coûte cher à la société, toujours miné par la maladie et la menace de je ne sais quel "Alzheimer".

Un jeune ne peut pas bien entrer dans la vie s'il n'a pas

la certitude que la vi e, toute la vie, y compris la vieillesse,

vaut la peine d'être vécue.

Pour passer les crises de l'adolescence, pour entrer avec sérénité dans la vie, un jeune doit avoir devant lui les témoignages qui lui permettent d'avancer en sécurité.

Ce n'est pas la mort qui leur fait peur, même si parfois elle est redoutable. Ce n'est pas non plus la maladie C'est le spectacle de vies étirées, prolongées, rajoutées inutilement au bout de longues années de vie. Ce sont les temps de retraite vides, sans projet, sans utilité, dépourvues de "sens".

En nous regardant, quel que soit notre âge, ils ne nous demandent pas de leur apprendre à ne pas mourir. Ils nous demandent de leur montrer que tout le temps de la vie peut être un temps de vie, même si vivre à 80 ans est autre chose que vivre à 20 ans. Ils ont besoin d'avoir devant eux la preuve qu'avec l'âge on peut encore vivre, c'est à dire s'intéresser, aimer, apprendre.

Ils ont besoin de notre temps réussi, pour entrer sans peur dans leur temps débutant.

Le mot vieillesse commence par les trois lettre du mot vie.

Les jeunes qui nous regardent nous demandent de leur faire la preuve que cette vieillesse que nous incarnons devant eux, est d'abord et avant tout un nouveau temps de vie. Mourir n'est rien si l'on a eu son compte de vie. La question qui nous est posée est bien celle-ci: Ce temps supplémentaire que l'on donne maintenant à chacun, est-ce encore de la vie? Est-ce de la survie?

Ce qu'ils veulent, ce n'est pas l'âge seulement, c'est l'âge et la vie.

Nous sommes les premiers à passer si nombreux l'examen devant les jeunes. Nous n'avons pas le droit de le rater. Ils ont besoins que des lettres du mot vieillesse, nous vivions devant eux les trois premières. Avant de désigner un âge, ces trois lettres nous disent de cet âge qu'il est une étape originale de la VIE. Ils attendent de nous que nous leur donnions envie d'en faire à leur tour l'expérience.

 

 

 

accueil<--->haut

Mémoire et Vie
info@memoireetvie.com

Copyright©2004 - Mémoire et Vie - tous droits réservés