Les effets de la musique
La musique est un outil de communication
non verbale à condition qu'elle
procure une émotion. Lors des séances
de musicothérapie, la musique est
sélectionne en fonction du vécu
culturel, des désirs, et de l'état
affectif de chacun. La musique est perçue,
puis écoutée, reconnue, imitée.
Elle est à l'origine de chants, d'échanges
verbaux, et d'accompagnements ou de productions
musicales. Elle agit sur le corps; les
postures changent, le rythme est exprimé par
des battements des doigts, des mains, des
pieds Pour mieux comprendre les effets
de la musique sur l'être humain,
il est nécessaire de savoir ce qu'est
la musique, comment l'homme la perçoit
et quels sont ses liens avec notre psychisme.
La musique, qu'est-ce
que c'est ?
La musique est un bruit particulier. Elle
est définie selon les critères
de chacun. Pour certains, le feulement d'une
panthère, le chant des baleines sont
des musiques.
Pour d'autres, des compositions musicales
pourtant célèbres ne sont pas
des musiques.
La musique est surtout un charme. Selon les
propos de Mozart:
"La musique peut tout entreprendre,
tout oser, tout peindre, pourvu qu'elle charme
et reste enfin et toujours la musique".
Elle a la capacité de susciter des émotions,
du plaisir, de l'angoisse, de l'exaltation.
Le
chant des baleines est une musique
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La musique est aussi, par définition,
une façon de combiner des sons selon
des règles variables avec les lieux
et les époques. Le son est en réalité une
onde ou encore une propagation, un ébranlement
cyclique de la matière. Le son n'existe
donc pas dans le vide, mais se propage dans
l'eau, le sang, le bois, les os, le métal.
Et la transmission de ce mouvement devient " sonore " lorsqu'elle
se situe dans un registre perceptible par l'oreille
humaine. Aucun corps humain, aucun objet ne
peut se soustraire au son, qui fait vibrer
tout ce qu'il heurte.
Les sons viennent heurter la matière,
les cantatrices font éclater les verres
de cristal et la Castafiore brise son miroir
avec ses vocalises.

La musique agit donc, sur l'être humain
grâce à la force vitale qu'elle
induit. Le rythme, le tempo rapide, la variété des
timbres sont un pouvoir dynamisant intense.
L'individu ne peut rester indifférent à l'emprise
des sons musicaux, aux associations émotionnelles
déclenchées par la musique, aux
stimulations motrices qu'elle suscite, à son
effet dynamisant ou apaisant.
Notre corps entier est
une oreille
Ces propos d'Henri Fertier résument
la perception des sons. Le son est partout,
nous ne pouvons y échapper, nous écoutons
avec nos oreilles et nous le percevons avec
tout notre corps même les sourds "vibrent" devant
une source sonore!
La perception auditive
Notre appareil auditif comporte l'oreille
externe et l'oreille interne. L'oreille externe,
le pavillon, et le conduit auditif externe
conduisent les sons vers le tympan, qui les
transmet à la chaîne ossiculaire
(marteau, enclume, étrier). Ce système
tympano-ossiculaire transforme les sons en
variations de pression avant de les transmettre à l'oreille
interne.

L'oreille interne possède des cellules
sensorielles qui répondent de façon
sélective aux fréquences reçues.
Ces cellules logées dans la cochlée,
transmettent l'influx nerveux à l'encéphale.
Selon A. Tomatis, les vestibules centres de
l'équilibre, contiguës à la
cochlée perçoivent également
les "paquets" sonores. Les cellules
sensorielles, sensibles aux variations de pressions "sonores".
Le vestibule percevrait ainsi les sons de O à 800
Hz. Sa fonction serait centrée sur les " rythmes ",
qui contribuerait à la constitution
de l'image du corps de chacun.
La perception auditive dépend donc
de deux capteurs, les membranes tympaniques,
et de deux récepteurs orientables suivant
les positions de la tête. Cette perception
stéréophonique localise les stimuli
avec les notions "avant-arrière" et "droite-gauche",
et permet de concentrer l'attention du sujet
sur la source sonore.
La perception sonosomesthésique
Les sensations sonosomesthésiques (ou
sensations conscientes éveillées
par la stimulation des tissus du corps par
les sons) sont provoquées par l'excitation
des terminaisons nerveuses réceptrices,
de types variés, localisées dans
le revêtement cutané et les différents
tissus profonds (tissus conjonctifs, viscères,
capsules articulaires, ligaments).
La perception sonosomesthésique nous
permet, de prendre conscience de nos os, de
nos ligaments, de nos organes, de percevoir
leurs réactions, et nous procure la
sensation d'habiter notre corps.
Ainsi lorsque nous écoutons de la musique,
nous avons quelquefois l'impression d'avoir
une oreille au creux des reins, ou au creux
du ventre. Et lorsque les stimuli sonores dépassent
un certain seuil de décibels, nous avons également
la sensation, d'entendre la musique en différents
points de notre corps, et même de vibrer.
Les différentes structures de notre
corps rentrent, en effet, en résonance
avec certains sons en fonction de leur fréquence.
Nous constatons par exemple des tachycardies
avec des fréquences voisines de 2 000
Hz, ou des ralentissements de l'action motrice
des intestins avec des fréquences de
4 000 Hz.
Une source sonore entraîne donc des
sensations corporelles qui correspondent à une
impression d'immersion sonore, ou de bain sonore,
dans laquelle la notion d'extériorité est
difficile à définir. (Lorsque
nous sommes en contact avec une source sonore,
nous avons des difficultés à situer
la frontière entre elle et nous, du
fait de la propagation des vibrations). La
localisation des stimuli est difficile, l'attention
ne peut être fixée sur la source
sonore. Par contre, les sensations sensorielles
diverses sont très développées.
Le pouvoir des sons sur
le psychisme
Les pouvoirs de la musique s'expliquent par
le rôle essentiel de l'environnement
sonore sur le développement psychique
de l'homme. Très tôt, l'être
humain est confronté aux bruits, les
perçoit et agit. En effet, dès
la fécondation, l'ouf est en contact
avec les bruits du cour, les bruits respiratoires
(Benezon)... Puis le fotus, dès le 4e
mois de la grossesse, présente des réactions
aux bruits (Tomatis), et stocke les sons dans
sa mémoire pour les reconnaître à sa
naissance (comme la voix des parents, certaines
musiques).
Pour chaque individu, l'environnement sonore
contribue ainsi à sa conscience (connaissance
de soi-même dans son environnement) et à son
acquisition du langage.
Selon Didier Anzieu, les sons permettent
des relations précoces du bébé avec
son entourage et lui procurent des repères
spatiaux pour son propre corps. La communication,
qui est en effet très tôt
sous le contrôle de la vie mentale,
joue un rôle essentiel dans l'expression
des émotions. Le bébé produit
des sons spécifiques par sa toux,
ses activités alimentaires et sa
digestion. Il émet également
des sons caractéristiques avec ses
cris correspondants à la faim, la
douleur, la frustration, et, dès
le troisième mois, à la fausse
détresse. Les sons perçus,
avec la voix maternelle, les berceuses
constituent des réponses et arrivent à calmer
ses cris. A un mois, le bébé sait
décoder les expressions auditives
de l'adulte. À trois mois, il imite
avec son babil ce qu'il entend de l'autre.
Il acquiert alors un pré-langage
avec les cris et les phonèmes. "La
prépondérance du rôle
affectif de la mère entre le (5ème
et le 10ème mois) et sa voix, sont
déterminants pour la constitution
ultérieure du langage " (Tomatis).
Les effets de
la musique sur l'être humain
La musique a une emprise sur tous les individus,
elle a de nombreux effets sur l'être
humain, et en particulier elle sécurise.
Chez le jeune enfant, les berceuses, qui
pour lui sont des jeux sonores, représentent
l'ordonnance des sons et une organisation
réconfortante et apaisante dans le
brouhaha ambiant.
Chez l'adulte angoissé, déprimé,
souvent agressé par le sonore, la
musique est aussi sécurisante. Mais
elle doit alors correspondre à des
critères précis, comme une
structure musicale facile à saisir
avec une répétition des thèmes
et des rythmes et une intensité faible.

Parfois la musique a de réels pouvoirs.
Elle permet aux enfants autistes et psychotiques,
de sortir de leur isolement pour découvrir
des dimensions ludiques et se familiariser
dans la relation avec l'autre. Elle peut
servir d'intermédiaire pour rattacher
les malades dans le coma. Elle restaure l'identité des
personnes âgées et rétablit
même dans certains cas leur communication
verbale.
La musicothérapie procure en effet
une double dynamisation qui s'effectue lentement
chez les personnes qui ont perdu la communication
entre leur monde interne et l'extérieur.
Nous observons en général et
de façon schématisée
deux temps: I'un consacré à un
rapport fusionnel avec le sonore (sonosomesthésique)
et un autre consacré à un rapport
plus distancé, auditif.
Chez les personnes âgées, nous
constatons qu'elles sont successivement réveillées,
dynamisées et incitées à l'expression
verbale. Leur posture change, le rythme est
d'abord exprimé par les doigts puis
par le corps. Le chant succède au
fredonnement et précède le
langage verbal. Le chant est en réalité une étape
dans la recherche du niveau mental perdu
: il restaure l'écoute et le désir
d'utiliser les mots pour communiquer.
En gériatrie, nous utilisons en particulier
les chansons populaires et le folklore, mais
aussi des extraits d'opéras ou des
ouvres comme celles de Bach, Vivaldi, Verdi.

Les chansons populaires ont un pouvoir associatif
avec le vécu, et leurs paroles engendrent
l'expression verbale. Les musiques folkloriques
déclenchent des réactions motrices.
La musicothérapie est aussi une expression
musicale. La musique sert d'intermédiaire
lorsque les mots manquent pour la communication
symbolique du langage. Elle permet une expression
non verbale. L'individu rompt son isolement.
I1 établit une relation avec les autres
se transformant en accompagnateur, en musicien
et même en compositeur. Les instruments
utilisés vont des maracas à l'orgue.
La musicothérapie utilise donc la musique comme
approche non verbale de l'individu. Cette relation est
basée sur la reconnaissance de l'autre en choisissant
les extraits musicaux en fonction de la réceptivité de
chacun. Elle permet aussi de faire surgir des souvenirs
enfouis profondément, de libérer une tension
intérieure et d'exprimer des émotions qui
ne peuvent être exprimées verbalement. Ses
objectifs sont multiples: relaxation, stimulation, identification à la
musique et restauration du sentiment d'exister, restauration
du langage...
· Le pouvoir des sons, Henri
Fertier, Ellébore.
· Musique pour renaître,
Yolande Moyne-Larpin, Desclée de
Brouwer.

· La nuit utérine,
A.A. Tomatis,Stock
· Le moi-peau, Didier
Anzieu, Dunod
· Le pouvoir des sons,
Henri Fertier, Ellébore.
· Musique
pour renaître, YolandeMoyne-Larpin,
Desclée de Brouwer.
· La nuit
utérine, A.A. Tomatis,Stock
· Le moi-peau,
Didier Anzieu, Dunod
GLOSSAIRE
- Image du corps : représentation
mentale que nous avons de notre propre
corps, elle correspond à la mémoire
inconsciente de notre vécu relationnel.
- Phonème : son de voyelle
ou de consonne, unité minimale de
langage.
- Timbre : caractère ou qualité sonore
spécifique d'une voix ou d'un instrument.
Le <la" du violon et du piano n'a
pas le même timbre.
- Tempo : mouvement dans lequel doit être
joué un morceau (il inclut à la
fois la rapidité du rythme et le caractère à donner à l'interprétation).
- Fréquence : parcours complet
ou cycle réalisé par les particules
de matière, depuis le moment où elles
quittent leur point d'équilibre sur
l'axe de propagation de l'onde sonore jusqu'au
moment où après I'avoir croisé elles
y reviennent. La fréquence s'exprime
en hertz 1 Hz = 1 cycle. La parole humaine évolue
dans une fourchette allant de 100 Hz à 4000
Hz. Le "la" du diapason est réglé autour
de 440 Hz. Les ultrasons correspondent aux
fréquences supérieures à 1600
Hz.
- Cochlée : labyrinthe membraneux
logé dans le labyrinthe osseux creusé dans
l'os appelé rocher. Il loge les cellules
auditives et est prolongé par le vestibule
où siègent les cellules sensorielles
de l'équilibre.
Martine SOUDANI
Médecin gérontologue
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