Textes Littéraires

 

Alphonse Daudet

Une mémoire rancunière ou «la mule du Pape »

extrait des «  Lettres de mon Moulin d' Alphonse Daudet.

 

Rancune  :souvenir tenace que l'on garde d'une offense avec de l'hostilité et un désir de vengeance .
( Le micro Robert)

Position de l'extrait dans l'histoire :

En Avignon, le bon vieux pape Boniface aimait sa mule le plus au monde et tout le monde savait que pour être «  bien en cour », il fallait être gentil et attentionné à cette mule. C'est ce que fit Tristet Vedène, un galopin effronté: il finit par entrer au service du pape et par en gravir tous les échelons. Mais c'était un mauvais garçon , trompeur et quand, le pape vieillissant, il eut la responsabilité de la mule, il fit bien des misères à cette mule et même la fit monter en haut d'un clocheton par un escalier en colimaçon ! La mule en redescendit malade et se promit de lui donner un puissant coup de sabot le lendemain. Mais Tristan Vedène partit alors pour Naples dont il ne revint que sept ans plus tard :

L'extrait :

«  .Sitôt rentré, le premier moutardier ( Tristet Vedène) salua d'un air galant, et se dirigea vers le haut perron, où le Pape l'attendait pour lui remettre les insignes de son grade [.]. La mule était au bas de l'escalier, toute harnachée et prête à partir pour la vigne. Quand il passa près d'elle, Tristet Vedène eut un bon sourire et s'arrêta pour lui donner deux ou trois petites tapes amicales sur le dos, en regardant du coin de l'oil si le Pape le voyait. La position était bonne.La mule prit son élan :

  • Tiens, attrape, bandit ! Voilà sept ans que je te la garde !

Et elle lui détacha un coup de sabot si terrible, que de Pampérigouste même on vit la fumée, un tourbillon de fumée blonde où voltigeait une plume d'ibis ; tout ce qui restait de l'infortuné Tristet Vedène ! ...

Les coups de pied de mule ne sont pas aussi foudroyant d'ordinaire ; mais celle-ci était une mule papale ; et puis, pensez donc ! elle le lui gardait depuis sept ans.Il n'y a pas de plus bel exemple de rancune ecclésiastique. »

 

Voilà pourquoi, « quand on parle d'un homme rancunier , vindicatif, on dit : «  Cet homme là ! méfiez-vous !. il est comme la mule du pape qui garde sept ans son coup de pied. »

 

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