Textes Littéraires

 

AU FIL DE LA LITTERATURE

Sont proposées ici quelques belles pages rencontrées dans la littérature d'hier ou d'aujourd'hui, de France ou d'ailleurs, concernant la mémoire. Merci à tous ceux qui nous enverront leur propositions pour les joindre à celles-ci.

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Quelques lignes de notre poète national pour nous donner envie de faire, avec lui d'abord, ce travail de mémoire en parcourant les longues années de sa vie. Peut-être aussi de faire ce même pélerinage sur notre existence qui s'avance, toute pleine d'évènements que nous sommes les seuls à mettre en mémoire et à inscrire dans une longue période de sens.

 

Chateaubriand: Les Mémoires d'Outretombe

 

« .Il faut trente six ans entre les choses qui commencent mes mémoires et celles qui m'occupent. Comment renouer avec quelque ardeur la narration d'un sujet rempli jadis pour moi de passion et de feu , quand ce ne sont plus des vivants avec qui je vais m'entretenir , quand il s'agit de réveiller des effigies glacées au fond de l'Eternité , de descendre dans un caveau funèbre pour y jouer la vie ?

 

 

Ne suis-je pas moi-même quasi mort ? Mes opinions ne sont-elles pas changées ? Vois-je les objets du même point de vue ? Ces évènements personnels dont j'étais si troublé , les évènements généraux et prodigieux qui les ont accompagnés ou suivis , n'en ont-ils pas diminué l'importance aux yeux du monde , ainsi qu'à mes propres yeux ? Quiconque prolonge sa carrière sent se refroidir ses heures ; il ne retrouve plus le lendemain l'intérêt qu'il portait à la veille. Lorsque je fouille dans mes pensées , il y a des noms, et jusqu'à des personnages , qui échappent à ma mémoire , et cependant ils avaient peut-être fait palpiter mon cour : vanité de l'homme oubliant et oublié ! Il ne suffit pas de dire aux songes, aux amours : « Renaissez ! » pour qu'ils renaissent ; on ne se peut ouvrir la région des ombres qu'avec le rameau d'or, et il faut une jeune main pour le cueillir. »

 

( Tome 1, Livre II, chapitre 1  page 174 dans la collection des Classiques)

 

« Cette mémoire des mots, qui ne m'est pas entièrement restée, a fait place chez moi à une autre sorte de mémoire plus singulière dont j'aurai peut-être l'occasion de parler * .

Une chose m'humilie : la mémoire est souvent la qualité de la sottise ; elle appartient généralement aux esprits lourds, qu'elle rend plus pesants par le bagage dont elle les surcharge . Et néanmoins , sans la mémoire , que serions- nous ? Nous oublierions nos amitiés , nos amours , nos plaisirs , nos affaires ; le génie ne pourrait rassembler ses idées ; le cour le plus affectueux perdrait sa tendresse , s'il ne se souvenait plus ; notre existence se réduirait aux moments successifs d'un présent qui s'écoule sans cesse ; il n'y aurait plus de passé . O misère de nous ! Notre vie est si vaine qu'elle n'est qu'un reflet de notre mémoire. »

* Sous ce rapport je suis singulièrement né : dans le premier moment d'une offense, je la sens à peine ; mais elle se grave dans ma mémoire ; son souvenir au lieu de décroître, augmente avec le temps ; il dort dans mon cour des mois, des années entières, puis il se réveille à la moindre circonstance avec une force nouvelle, et ma blessure devient plus vive que le premier jour . »

( Tome 1, Livre II, chapitre 2, page 177, dans la collection des Classiques Garnier ).

 

 

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