Textes Intégraux

« Elle n'a pas fini de grandir ! »

 
Cette conférence a été faite par
Yves LEDANSEURS .
Son objectif était de donner à chacun envie de
s'occuper de sa mémoire, dont il est responsable,
tout autant que de sa santé physique ou mentale.
Il m'a été dit que vous saviez déjà tout sur la mémoire, et qu'il ne fallait pas redire ce que je vous avais dit lors de mon dernier passage ici, il y a quelque 10 ans. Je crois que vous avez du oublier quelque peu ce que je vous avais dit, et moi-même...
Si vous le voulez bien , nous allons parler mémoire, mais plus en pensant à la mémoire que nous avons qu'à celle que nous n'aurions plus. Pouvons-nous vraiment compter sur notre mémoire, et surtout, pour quoi faire ?

Je voudrais vous raconter d'abord comment moi-même j'ai été introduit à cette interrogation sur la mémoire et la vie :

Ce sont deux histoires simples :

Un homme de 50 ans, lamineur de profession dans les mines de Lorraine, licencié par suite des restructurations, est interrogé par Polak. Il lance comme une sorte de grand cri, violent : « Mon grand-père était lamineur, mon père était lamineur, moi-même j'ai été lamineur. On me demande de m'arrêter ! A qui vais-je transmettre tout ce que j'ai reçu ? »
Sentiment d'une mémoire devenue inutile, d'un maillon qui casse dans une chaîne. Ce qui a été vie, devenant au mieux, objet de musée... Il ne sert plus à rien, ni à personne. Sentiment éprouvé par beaucoup, particulièrement ceux qui transmettaient des savoirs, des apprentissages longuement acquis.
Sentiment d'une vie qui a perdu son sens. Une voile s'il n'y a pas de vent n'est qu'un paquet de chiffons. Une vie qui n'a plus le projet de transmettre quelque chose est-elle encore une vie ?

Tout à fait ailleurs, mais rencontré à la même époque, un pêcheur au bord du Lac Titikaka , au Pérou. Les pieds dans l'eau, il est en travail de construction d'une nouvelle barque de pêcheur. Pour essayer une conversation, je lui demande : "Vous avez 60 ans et vous recommencez à vous construire un bateau ? Jusqu'à quel âge est-ce que vous allez pêcher comme ça " ? . La réponse vient sans hésitation : "Et jusqu'à quel âge est-ce que je vais manger comme ça ?"

Est-ce que vous pensez que la mémoire se perd avec l'âge ?

(Question posée sur le bord du lac Titikaka)

Je pousse plus loin mon investigation : "Il y a des gens qui disent que, avec l'âge, on perd sa mémoire; qu'est-ce que vous en pensez?" La réponse vient aussi sans hésitation : "Est-ce que, si j'avais perdu la mémoire, je serais encore capable de faire ce que je fais " ?

Sentiment tranquille d'une continuité, d'une chaîne. Ce que j'ai reçu des ancêtres, j'ai la mission de le transmettre à d'autres. Sentiment d'une utilité, d'un sens donné à toute la vie par cette responsabilité de la transmission des savoirs de la vie.

Vieillir pour lui, ce n'est ni changer de travail, ni perdre son rôle dans la société; c'est prolonger son existence en transmettant ce que l'on a appris.

Dans un cas, impossibilité de transmettre un savoir obsolète, devenu inutile, qui ne sert à rien pour les générations futures. Dans l'autre il y a transmission tranquille d'un savoir identique à travers les générations et cette transmission, cette mémoire, donne un sens à la vie.

Il y a bien une véritable absurdité : au même moment, on permet à presque chacun d'entre nous de devenir centenaire, et nous nous trouvons dans une situation violente de ne rien avoir à transmettre. Les mémoires de notre vie semblent devenues inutiles et inutilisables. Cela vide la vie d'une bonne partie de son contenu, de son sens.

Tout cela est très concret : il est très difficile à des grands-parents attentifs d'aider leurs petits enfants dans l'apprentissage de la lecture, dans le calcul ou les mathématiques. Essayez donc d'aider le grand adolescent à travailler avec les instruments d'aujourd'hui, entre autres l'ordinateur. C'est lui qui vous conduira par la main. Il y a bien encore la couture. mais est-ce que l'on répare encore des vêtements ? il y a la cuisine.

Pourtant, il y a les recettes de grand-mère qui font encore "recette". Il y a un certain souci de retrouver les traditions artisanales, les façons de faire d'autrefois. On fabrique à Rochefort, en ce moment un bateau copie conforme des bateaux qui sont partis à la conquête du nouveau monde, avec les mêmes procédés qu'autrefois. On n'a jamais été si soucieux de reconstruire l'histoire par des livres, des films : voir l'engouement pour la video sur le Titanic. Souci de conserver les labels pour garantir l'authenticité des procédés de fabrication du camembert ou du gruyère. Pour aller au Louvre voir la dernière exposition de Van Gogh ou de Moreau, il faut se résigner à 2 heures de queue et une visite dans la bousculade.

A une époque où le grand âge est maintenant une réalité proposée à la majorité d'entre nous, il semble qu'il y a une contradiction :

Quelle sera sa mémoire quand il aura 80 ans ?

d'un côté, on ajoute 20 années à la vie de chaque personne, et jamais on a été aussi féru, entiché de passé et d'histoire.

de l'autre, ces 20 années, pour ceux qui les vivent, semblent souvent ne servir à rien, ni à personne.

Ma réflexion d'aujourd'hui sera une réflexion à l'usage de ceux qui comme moi, comme nous, sont dans cette étape de leurs 20 années supplémentaires données à la vie et qui voudraient bien ne pas les gâcher. Je vais tenter de vous donner quelques clés qui à l'usage m'ont paru utiles pour entrer dans notre étape d'âge et de grand âge, et y vivre bien.

Conviction de base :

Avant de nous préoccuper du sort de notre mémoire et de ce que vous pourrions avoir à transmettre, il nous faut prendre conscience de ce qui devrait devenir comme une conviction de base :

Tant que nous vivons c'est qu'il y a en nous quelque chose qui n'a pas fini de grandir; quelque chose qui n'a pas fini de naître, et qui veut voir le jour . Conviction que la vie est en croissance jusqu'à la mort. La naissance, c'est toute la vie et pas seulement le moment de l'entrée dans le monde.

Il n'y a pas un moment dans la vie qui serait temps de croissance, puis un autre qui serait temps de stagnation, puis de diminution. C'est toute la vie qui est croissance.

La naissance c'est toute la vie et pas seulement le moment de la naissance

Rappel de cet homme qui avait été responsable d'une société de 2000 personnes puis licencié à la faveur d'une décision de son conseil d'administration. Deux ans plus tard, déprimé, il m'expliquait : "je me suis dit : jusqu'à maintenant j'avais mis toutes mes forces à chercher à grandir, maintenant il faut que je mette mes forces à accepter de diminuer". Il n'avait pas 60 ans. Il ne savait pas qu'il avait à grandir, autrement peut-être qu'il ne l'avait imaginé, mais à grandir toute sa vie. C'est un atelier mémoire qui a sauvé cet homme en lui permettant de comprendre qu'il avait encore à grandir.

Je me rappelle aussi cette femme de 73 ans qui vient me voir pour que je l'aide à trouver un atelier d'initiation à l'informatique. "Il faut que ça change : mes enfants me saluent puis se mettent à parler informatique et je ne comprends rien à ce qu'ils racontent. Je veux comprendre." .

Après 3 mois d'initiation, cette femme entreprend de discuter sur les thèmes qui leur sont chers avec ses enfants et petits enfants. Elle peut échanger, parce qu'elle à d'abord voulu acquérir. Et elle transmet en même temps quelque chose de capital : il n'y a pas de limite d'âge pour être toujours vivant, intéressé, ouvert. Ce message là permet de vivre. Il est capital pour nous, mais aussi pour ceux qui nous regardent ou nous accompagnent..

Elle est péruvienne et âgée

Mais il n'y a pas de limite à la croissance de notre mémoire

Nous avons donc à acquérir de nouveaux savoir faire correspondant à l'étape de vie qui est la nôtre. Ils sont en fait de nouveaux savoirs être. Ils sont probablement ce que nous pourrons transmettre de plus important à ceux qui vivent proches de nous. Ils sont indispensables pour que nos années de retraite ne soient pas des années de "survie", mais bien des années de "vie".

"On est toujours novice quand on avance en âge" dit quelque part Françoise Sagan. C''est un peu comme "novice en vieillesse" que je partage avec vous aujourd'hui.

Je m'attarderai autour de 3 savoir faire :

  • Savoir faire avec notre mémoire
  • Savoir faire avec notre temps
  • Savoir faire avec, nous-même, un savoir être

SAVOIR FAIRE AVEC SA MEMOIRE

Je ne vous apprends rien en vous disant que 80% des plus de 50 ans se plaignent de leur mémoire, comme si cela allait de soi qu'avec l'âge, notre mémoire devrait nous lâcher.

En réalité, il nous faut apprendre un savoir-faire de notre mémoire de l'âge : il nous faut garder en conscience quelques convictions fortes :

1) Biologiquement,

notre mémoire est une fonction qui est faite pour nous accompagner jusqu'au dernier instant de notre vie.

Encore faut-il savoir que l'on est responsable d'elle : une mémoire que l'on n'entretient pas chaque jour est une mémoire qui se dégrade chaque jour.

Biologiquement, il n'y a pas de limite d'âge aux apprentissages.

Bien sûr, je n'apprendrai pas à 80 ans comme à 10 ans. Mais si curiosité, intérêt, passion sont au rendez-vous, ma mémoire y sera aussi. Ma dernière rencontre : cette femme de 60 ans qui s'est décidée à apprendre le sanscrit, simplement par intérêt, et qui accepte de se retrouver au rang des étudiants en faculté. Finalement elle réussit ses examens au même rythme qu'eux.

2) Une mémoire qui vit est une mémoire qui change.

Une bonne mémoire de 80 ans n'est pas une mémoire de 20 ans un peu diminuée !

On n'aime pas à 80 ans comme à 5 ans, à 20 ans à 40 ans. Mais on aime toujours et l'amour des 80 ans n'est pas inférieur à celui des autres moments de la vie. Ce n'est pas un amour diminué, raccourci. Ce qui est passionnant dans la vie c'est d'avoir à expérimenter toutes les formes de l'amour humain au fur et à mesure que l'on avance en âge.

La mémoire des 80 ans n'est pas inférieure à celle qu'on a utilisé toute sa vie, elle est autre. Ce n'est pas une mémoire raccourcie. C'est une mémoire qui change parce qu'elle est vivante.

Musicien toute sa vie,

il prolonge

tout au long de sa vieillesse

sa joie intérieure

Elle change de rythme : elle marche à son pas; elle a sans doute besoin d'un peu plus de répétitions pour fixer correctement.

Elle change de centres d'intérêt : rappel de ce vieux peintre, Mr. "Goyasamim" rencontré au cours d'un passage en Equateur. Il dit qu'il ne se rappelle jamais les noms propres, mais cela ne l'a jamais intéressé. Mais le nom des personnes qu'il a peintes au cours de sa carrière de plus de 60 ans de peinture à travers le monde, les lieux qu'il a fixés sur ses toiles, là, il n'a aucune hésitation. Sa mémoire fonctionne. Avec l'âge, la mémoire se rappelle de plus en plus ce qu'elle aime. Elle oublie volontiers ce qui ne l'intéresse pas. Et cette loi est une loi de la vie que nous expérimentons : plus j'avance en âge plus j'ai besoin d'être intéressé pour retenir. Le vrai problème de la mémoire n'est pas la mémoire, c'est l'intérêt. Qu'est-ce qui m'intéresse. Ou mieux : à quoi est-ce que je m'intéresse. Là où il y a intérêt, il y a de fortes chances que la mémoire fonctionne correctement. Ce ne sont pas les choses qui sont intéressantes, c'est moi qui m'intéresse ou ne m'intéresse pas.

Elle change de travail, de projet : elle est beaucoup plus une mémoire de retrouvailles avec tous les souvenirs de la vie qu'une mémoire d'acquisition Elle sait qu'elle peut encore apprendre : il n'y a pas de limite d'âge aux apprentissages. Elle a moins envie d'accumuler des informations nouvelles. Elle préfère revenir sur l'énorme masse des informations accumulées au long d'une vie, et les reprendre, les retrouver, les réanimer.

Besoin impératif de faire repasser tant de choses de la vie pour leur donner leur sens définitif. Construction de l'unité de notre vie, choix de l'image que nous voulons laisser de nous avant de partir.

 

Il est dans la nature d'une graine de pousser si on la plante en terre

3°) Une mémoire qui change est aussi une mémoire qui transmet .

Il est dans la nature des choses de tomber si je les lâche.

Il est dans la nature d'une graine de pousser si elle tombe en terre. Il est dans la nature des neurones de communiquer, sinon ils en meurent. Il est dans la nature de la mémoire d'être un moyen de communication, de partage, d'échange . C'est la condamner à mort que de lui laisser perdre cette fonction. Une mémoire qui ne partage plus est une mémoire fossilisée, bientôt moribonde.

Rappel de cet homme de 80 ans : "Je perds des objets, mais quelque chose que je perds, c'est quelque chose que je cherche, cela fait déjà un peu de temps occupé !". On le croyait fou, il était seulement quelqu'un dont l'histoire se perdait. Non partagée.

Un autre qui me disait : "J'aurais beaucoup de choses à raconter, mais je n'ai pas d'oreille pour écouter." Ce qui manquait à sa mémoire, ce n'était pas la mémoire, mais l'occasion du partage.

Je me rappelle encore ce très vieux monsieur,- on m'avait dit qu'il avait plus de 100 ans, - mais au Pérou rien n'est très sur - qui dormait, à l'ombre, sur le coup des 10 heures du matin. La religieuse qui me le présentait voulait à tout prix lui faire dire que c'était dimanche et qu'il avait été à la messe. Il se contentait de répéter qu'il était très vieux et qu'il ne se rappelait de rien. Réunissant tous mes efforts, je lui demande comment il allait à l'école quand il était petit. Ceci provoque sa colère : "à l'école, moi ? jamais. je gardais les moutons, puis je suis parti à la guerre, puis je me suis marié, maintenant je me repose.. Je pourrais vous en raconter pendant des semaines comme cela. " Une oreille attentive avait réveillé une mémoire seulement assoupie de ne jamais servir.

La difficulté souvent est que les plus âgés pensent qu'ils n'ont rien à transmettre ou que cela n'intéresse personne, et que les plus jeunes se disent que les vieux, c'est pas intéressant. Comment faire se rencontrer ces deux mondes ?

Expérience de Montélimar : les enseignants avaient décidé de faire demander par les jeunes de 5ème, aux plus âgés de leur commune, de leur raconter ce qu'était la vie quand ils étaient petits. Les réactions premières à cette proposition

sont d'abord négatives des deux côtés : "les vieux, qu'est-ce que l'on a à faire ?" "Les jeunes, qu'est-ce qu'ils viennent nous embêter avec leurs questions!" Après 3 mois d'échange, le paysage avait complètement changé : "Les vieux, qu'est-ce qu'ils en savent des choses!" "Ces jeunes, ils sont pas bêtes quand même!"

Expérience de l'école : la maîtresse fait dessiner par les enfants au début de l'année scolaire l'image de leur famille.

 

Trouveront-ils des adultes avec qui parler ?


On voit les enfants petits, les parents grands, et à côté des êtres, de la même taille que les enfants, ce sont en fait les grands parents. Ils sont vus par les enfants comme des enfants prolongés. Toute l'année scolaire, des grands parents accompagnent les enfants à l'école, les aident dans les jeux et à la sortie de l'école, les soutiennent dans leurs devoirs et leurs leçons. A la fin de l'année, le même dessin de la famille voit les grands parents grandir et prendre la même taille que les parents dans les dessins représentant la famille. L'image de la vieillesse chez les enfants a complètement changé.

Expérience de l'exposition sur la façon dont on était soigné quand on était petit. Des retraités cherchant le lien avec les plus jeunes, rassemblent toute une série d'objets, d'images, rappelant comment on était soigné il y a 60 ou 80 ans. Ils en font une exposition que les enfants des écoles viennent visiter avec plaisir. Occasion aussi d'échanger entre générations.


ARAGO et AMPERE témoins privilégiés de la Révolution Française

Expérience d'un groupe de philatélistes : rechercher tous les timbres qui d'une façon ou d'une autre parlent de notre arrondissement de Paris, le XIIIème. On découvre : Arago, Blanqui, Les Gobelins, finalement plus de 200 timbres qui racontent l'histoire de ce quartier de Paris. Exposition transportée dans les écoles du quartier et commentée par les anciens qui aident les plus jeunes à connaître leur ville et son histoire.

Nombreuses expériences de la vie d'hier racontée par ceux qui l'ont vécue, rassemblées en documents sur des quartiers ou des villes, et qui constituent ces innombrables petites bibliothèques où les jeunes apprennent la vie.

Connaître son passé est un besoin tout à fait fondamental

Pour les individus : nombre d'adultes partent à la recherche de leur père ou de leur mère que, pour des raisons diverses, la vie ne leur pas permis de connaître et qu'ils ont un besoin profond de connaître. (Cf. le succès contesté mais réel de l'émission de Pradel appelée "Perdus de vue") Connaître ses origines, ses racines est une sorte de condition pour pouvoir vivre "complet" sa vie d'adulte. C'est un besoin.

Il faut parler de leurs parents décédés aux enfants qui ne les ont pas connus. Les grands parents sont les porteurs d'une histoire qui ne se retient bien que lorsqu'elle est racontée. Et quel plaisir pour le jeune qui se fait reprocher par son père sa conduite à l'école, d'apprendre par le grand-père toutes les frasques que ce père s'était permis quand il était petit. Cela aussi permet de vivre à 5 ou 15 ans .

On a toujours tort de ne pas raconter. Je me rappelle aussi cette jeune femme qu'un divorce avait éloigné de son père et qui s'écrie en apprenant sa mort :" Mon père est mort avant que je n'ai pu lui dire que je l'aimais".

Je me rappelle cette femme de 60 ans qui demande à sa mère pourquoi elle ne l'a jamais aimée lorsqu'elle était petite. Rude question que la mère ne fuit pas et qui permet une franche remise des choses dans une vérité que l'enfant n'avait pu saisir. La mère est morte 1 mois plus tard. Quelle perte si la vérité n'avait pu être faite en temps voulu.

Pour les sociétés : je repense à ce pays que je connais un peu mieux, le Pérou. Pendant longtemps on lui a fait croire que sa vie avait commencé avec les espagnols. Il a fallu attendre ces 20 dernières années pour qu'ils découvrent collectivement qu'ils avaient une histoire à eux , beaucoup plus ancienne, et que cette histoire s'enracinait non seulement dans la civilisation Inca, qui est encore du XIIIème et XIVème siècle, mais aussi dans des civilisation beaucoup plus anciennes dont on redécouvre les traces aujourd'hui et dont les traces remontent bien avant Jésus-Christ.

 

 

Les peuples aussi ont une histoire.

C'est la leur que nous racontent les peuples du Pérou au sommet du Machu-Pichu.

Les peuples aussi ont une histoire. C'est la leur que nous racontent les peuples du Pérou au sommet du Machu-Pichu, et ils ont besoin de la connaître pour savoir qui ils sont. C'est peut-être aussi parce qu'ils ont une histoire ancienne et donc une longue mémoire, qu'il est plus difficile d'unir les pays d'Europe avec leurs 2000 ans de passé que les peuples des Etats Unis avec leur 200 ans d'ancienneté.

A propos d'Incas et de mémoire, savez-vous comment était organisée la société chez les Incas ? la société était répartie en 10 classes d'âge, dont la dernière rassemblait "ceux qui ne peuvent que dormir et manger" : les vieillards et les blessés. Auprès de ceux-là, la société délègue un adolescent qui doit leur tenir compagnie et les accompagner jusqu'à leur mort, pour apprendre d'eux ce qu'ils ont envie de léguer avant de mourir, et aussi pour satisfaire tous leurs désirs afin qu'en partant, ils sachent que la société leur est reconnaissante de tout ce qu'ils ont fait pour elle durant leur vie. N'était-ce pas une éducation à la mémoire, à la vie, et à une certaine conception de la relation sociale. Pour des peuples dits "primitifs", ce n'était pas si mal !

Il y a aujourd'hui mille façons de transmettre, en prise avec la vie, et chacun sa façon à lui :

. les cadres qui donnent de leur temps pour aider des entreprises à passer des moments difficiles. L'expérience cela sert.

. les aides multiforme dans toutes les association 1901 : l'équivalent salaire, du travail fourni bénévolement par l'ensemble des tâches accomplies en travail non rémunéré, est égal à la masse salariale de ceux qui vivent de leur salaire.

Bien sur, il y a la façon de faire et beaucoup d'entre nous se rappellent des récits sans fin des tranchées de la guerre de 14 que l'on ne savait pas comment arrêter. Si on demande au grand-père qui ne veut pas sortir de la tranchée, ce qui s'est passé quand on leur a donné l'ordre d'en sortir, alors c'est un nouveau pan d'histoire qui vient : "Mon pauvre petit, tu vois, personne ne me l'a jamais demandé !"

Ne nous y trompons pas : les souvenirs du passé, il ne s'agit pas de s'enfermer dedans. Mais c'est vrai que lorsqu'on prend de l'âge, on aime bien les retrouver pour y puiser l'énergie dont on va avoir besoin pour affronter les choses de la vie d'aujourd'hui.

Nos enfants ont besoin de nous voir nous entretenir avec nos souvenirs. Ils ont besoin aussi que nous sachions transmettre ces choses de la vie d'hier qui les aident eux à se situer dans le temps.

C'est donc aussi un savoir faire avec le temps qu'ils faut pouvoir leur transmettre.

SAVOIR FAIRE AVEC LE TEMPS

Drôle de produit que le temps. On n'en prend conscience, un peu comme de l'air que l'on respire que s'il y en a trop ou pas assez.

  • Si je vous ennuie, le temps va vous paraître long
  • Si je vous intéresse, vous ne voyez pas le temps passer
  • Le temps change avec l'âge, avec la retraite

Il nous faut apprendre un savoir-faire de notre temps :

Beaucoup durant leur vie ont couru après le temps. Ils n'en avaient jamais assez pour faire ce qu'ils voulaient faire

Beaucoup ont couru

dans le monde

après le temps

tout au long de leur vie...

Puis il y eu la retraite. On nous a remis tout notre temps. Parfois Overdose. Du coup il y en a trop. On ne sait plus comment l'occuper.

De quoi est fait le temps ? C'est un cocktail : Rythmes, Durée, Projets

Le savoir-faire du temps du retraité : apprendre à le gérer :

GERER NOS RYTHMES :

Rythme personnel quand arrive la retraite : trouver mon rythme quand le travail ne m'oblige plus à me lever le matin à heure fixe

Rythme de la vie en couple : durant la vie active, on vit en couple quelques heures par jour. Après la retraite, c'est 24h. sur 24.. Il faut réapprendre à vivre ensemble.

GERER LA DUREE :

Difficile de parler de la durée à ceux qui n'en ont pas fait l'expérience. Ce sont les insomnies, la maladie, ou la retraite qui permettent cette prise de conscience.

C'est dur l'expérience de la durée du temps. Réactions diverses :

Je me rappelle cette femme dont l'expérience était difficile me disant : "Il me faut tuer le temps avant qu'il ne me tue"

Beaucoup de personnes remplissent leur vie d'activités pour ne pas se trouver nez à nez avec leur temps. Nous avons d'avantage de temps. Eviter de se le cacher. Savoir utiliser les insomnies. Ne pas se laisser prendre par la peur de la durée du temps.

GERER SES PROJETS :

« Nul vent n'est favorable à celui qui ne connaît pas son port"

Façon imagée de dire que, si l'on n'a pas de projet, de désir, d'envie, notre temps est un peu comme un ballon dégonflé. La batterie est à plat et ne transmet plus d'énergie pour que le moteur se mette en route. La tentation est de dire : c'est l'âge !

Image de cette femme qui explique : "Quand je me lève la matin, je me demande qui m'attend aujourd'hui? La plupart du temps je réponds personne". Il ne peut y avoir maîtrise du temps dans ces conditions.

La vraie question : quels projets remplissent ma vie d'aujourd'hui ? Dis-moi quels sont tes projets, je te dirai comment tu vivras ton temps.

Notre vie s'est agrandie d'un temps nouveau. Il nous faut apprendre à le gérer, pour que les plus jeunes à leur tour aient envie de vivre cette longue durée qui va leur être proposée, qu'ils aient envie d'être vieux à leur tour, parce que cela vaut la peine de vivre la vieillesse.

Il nous faut trouver nos propres rythmes. Il nous faut entrer dans une nouvelle durée, l'habiter Il nous faut tisser de nouveaux projets pour donner sens à nos journées

Les plus jeunes qui nous regarderont se diront alors que ce temps, dans lequel ils entrent, cela vaut la peine d'y entrer, même si parfois l'avenir est un peu redoutable.

 

SAVOIR FAIRE AVEC NOUS-MEMES

« Le plus difficile quand on avance en âge, c'est d'accepter d'avoir l'âge qu'on a ». Il nous faut apprendre à être bien avec l'âge que nous avons. D'abord parce que l'on n'y peut rien.

Expérience curieuse :ce sont les autres qui nous considèrent comme "vieux" ou "âgés".

J'ai 80 ans,

mais à l'intérieur


je n'en ai pas 50


« J'ai 80 ans me disait une femme hier, mais à l'intérieur, je n'en ai pas 50 ».

Intérieurement, on ne se voit pas vieux. On est surpris que les autres nous disent que nous avons 80 ans

Je me rappelle personnellement la première fois où j'ai été appelé "le vieux".. Des adolescents me croisent sur le trottoir et j'entends l'un d'entre eux dire : "tu l'as vu le petit vieux." C'était de moi que l'on parlait , et moi je ne me savais pas vieux !

Apprendre à être bien avec le corps qu'on a :

Il y a autre chose à dire sur ce corps que d'énumérer les petites misères qu'il peut nous faire. Nous pourrions peut-être en éviter beaucoup si nous nous occupions mieux de lui : marche, gym, Yoga ... "Je fais à 90 ans des choses que je ne pouvais plus faire à 80 ans!"

Il y a autre chose à faire que de chercher à rendre moins visibles les signes de notre âge. Les signes du vieillissement de notre corps ne sont vraiment difficiles à porter que s'ils trahissent une âme qui a déjà déserté la vie...

Apprendre à être bien avec le cour qu'on a :

Jusqu'à la fin de sa vie, on a besoin d'être aimé, et d'avoir des gens à aimer autour de nous.

Il y en qui savent se faire aimer : le vieil oncle que nous quittons et qui sait exprimer : "l'heure que j'ai passé avec vous est le soleil de ma semaine", comment voulez-vous qu'on ne l'aime pas. Savoir se faire aimer.

Il y a ceux qui souffrent de leur solitude d'amour. Ils voudraient bien aimer, mais ils ont perdu tous ceux que la vie avait mis sur leur route.

Il y en a qui trouvent toujours quelqu'un à aimer : la mamie qui répète tous les jours les noms des personnes de sa résidence pour être sure de pouvoir les saluer par leur nom : "c'est tellement plus agréable quand on peut appeler par son nom une personne", celle-là elle sait aimer.

C'est difficile à vivre, mais peut-être que chacun doit se prendre par la main pour sortir de son repliement sur lui-même.

Apprendre à être bien avec les handicaps qu'on a : Jeanne Calment sourde, aveugle, mais vivante :

Le tissu de la robe de son anniversaire : . Fêter "Il fera de l'usage" encore un anniversaire ? "Non, j'en ai assez vu, mais pourtant, je voudrais bien savoir ce qui va se passer cette année dans le monde"

Apprendre à être bien avec le temps qui nous reste à vivre, avec la mort qui vient :

A son petit fils qui vient le voir, un peu intimidé, le matin de sa mort, ce vieux professeur d'histoire explique : "Tu sais , la tête, ça marche encore ! Cette nuit, je me suis récité sans faute toute la liste des rois de France"

A un visiteur qui semble inquiet devant la mort proche d'une amie, très handicapée, celle-ci lui dit : "Ne t'en fais pas, ce n'est pas si grave !"

Tous ces savoirs faire, nous les apprenons petit à petit au fur et à mesure que nous entrons dans la vieillesse.

Tant que nous vivons,

c'est que nous n'avons pas encore

achevé notre croissance.

Nous n'avons pas fini non plus

de transmettre

ce que nous avons à transmettre.

Pour que les jeunes, tous ces jeunes que nous voyons vivre dans les manifestations de ces jours, et qui ont envie de vivre, pour qu'ils ne s'arrêtent pas en route devant les difficultés de la vie, pour qu'ils n'aient pas peur de la vieillesse qui viendra pour eux en 2050, ils ont besoin de ce que nous, nous apprenons en ce moment : ce savoir faire avec notre mémoire, avec notre temps, avec nous-mêmes, finalement notre savoir être.

Par les temps qui courent, on a encore besoin que les anciens sachent découvrir ce qu'autrefois on appelait tout simplement la sagesse. Devant la vie on est toujours un apprenti. Nous sommes les apprentis, les découvreurs de l'âge et du grand âge.

"A notre âge, nous avons acquis la maturité suffisante pour servir les jeunes générations. Nous ne recherchons plus ni l'argent, ni le pouvoir. Nous pouvons servir". (Simon PEREZ)

Ces apprentissages que nous sommes en train de faire en ce moment , de notre temps, de notre liberté de penser, de notre soif de vivre intensément le temps qui nous est donné, ces apprentissages que nous faisons sont notre façon de tenir notre rôle vis à vis des jeunes générations, et de servir, plus par ce que nous sommes que par ce que nous faisons. Du même coup, sans que nous nous en rendions compte, nous continuons à notre façon de transmettre pour qu'ils puissent vivre leur jeunesse d'aujourd'hui et prendre leur place dans le monde à construire pour demain.

Dans une formule peut-être un peu brève, mais que les jeunes ne refuseraient sans doute pas, j'aurais envie de vous laisser ce message : "pour que jeunesse vive bien, il faut que vieillesse s'éclate".

 

 

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