Textes Intégraux

La Mémoire une aventure !

Cette conférence d'Yves Ledanseursest plus centrée sur la mémoire et le temps.
Son objectif est de nous faire comprendre que la mémoire,
comme le reste de notre corps et de notre vie,
passe de la naissance à la mort.
Mais chaque étape de vie est une étape de croissance

 

Vous dire d'abord comment moi-même j'ai été introduit à cette réflexion sur la transmission des savoirs :

Le lamineur de Polak: Mon grand-père était lamineur, mon père était lamineur, moi-même j'ai été lamineur. On me demande de m'arrêter !

A qui vais-je transmettre tout ce que j'ai reçu ?
Sentiment d'une mémoire devenue inutile, d'un maillon qui casse dans une chaîne.. Ce qui a été vie devenant objet de musée...


Sentiment d'une vie qui a perdu son sens. Une voile s'il n'y a pas de vent n'est qu'un paquet de chiffons. Une vie sans projet ?

Le pêcheur du Lac Titikaka : "Vous avez 60 ans et vous recommencez à vous construire un bateau ? Jusqu'à quel âge est-ce que vous allez pêcher comme ça " ? « Et jusqu'à quel âge est-ce que je vais manger comme ça » ?

Est-ce que,
si j'avais perdu la mémoire,

je serais encore capable .. ?

"Qu'est-ce que vous pensez des gens qui disent qu'avec l'âge on perd sa mémoire" ?
"Est-ce que si j'avais perdu la mémoire je serais encore capable de faire ce que je fais" ?

Sentiment d'une continuité, d'une chaîne. Ce que j'ai reçu des ancêtres, j'ai la mission de le transmettre à d'autres. Sentiment d'une utilité d'un sens donné à toute la vie par cette responsabilité de là transmission des savoirs de la vie.

Dans un cas, la frustration d'avoir à transmettre donne un sentiment d'inutilité : savoir obsolète qui ne sert à rien pour les générations futures. Dans l'autre il y a transmission tranquille d'un savoir identique à travers les générations et qui donne un sens à la vie.

A une époque où le grand âge est maintenant une réalité proposée à la majorité d'entre nous, il semble qu'il y a une contradiction :

    • d'un côté, on ajoute 20 années à la vie de chaque personne
    • de l'autre, ces 20 années semblent ne servir à rien, ni à personne

Tout ce que nous venons d'entendre depuis ce matin nous montre la reconstruction de la chaîne, en proposant un sens à ces 20 années. Prise de conscience que nous avons tous des savoirs faire à transmettre. Je ne vais pas reprendre tout ce qui a été si bien dit.

Je vais pour moi tenter de vous proposer une réflexion supplémentaire :je ne vais plus vous parler des savoir-faire à transmettre, mais des savoirs-faire que nous avons maintenant à acquérir au long de nos nouvelles années de vie. Nous aurons ensuite à les transmettre autour de nous, parce que, eux aussi ils sont indispensables pour que nos années de retraite ne soient pas "survie", mais "vie":

        • Savoir faire avec notre mémoire
        • Savoir faire avec notre temps
        • Savoir faire avec, nous-même

SAVOIR FAIRE AVEC SA MEMOIRE

Je ne vous apprends rien en vous disant que 80% des plus de 50 ans se plaignent de leur mémoire, comme si cela allait de soi qu'avec l'âge, notre mémoire devrait nous lâcher.

En réalité, il nous faut apprendre un savoir-faire de notre mémoire de l'âge : il nous faut garder en conscience quelques convictions ;

1) Biologiquement, notre mémoire est une fonction qui est faite pour nous accompagner jusqu'au dernier instant de notre vie

Encore faut-il savoir que l'on est responsable d'elle :

Une mémoire que l'on n'entretient pas chaque jour
est une mémoire qui se dégrade chaque jour.

Pourquoi

Ce qui est vrai du corps

Ne serait-il pas vrai de notre esprit ?

Biologiquement, il n'y a pas de limite d'âge aux apprentissages.

Bien sûr, je n'apprendrai pas comme à 10 ans. Mais si curiosité, intérêt, passion sont au rendez-vous, ma mémoire y sera aussi.

2) Une mémoire qui vit est une mémoire qui change. Une bonne mémoire de 80 ans n'est pas une mémoire de 20 ans un peu diminuée !

On n'aime pas à 80 ans comme à 5 ans, à 20 ans à 40 ans. Mais on aime toujours et l'amour des 80 ans n'est pas inférieur à celui des autres moments de la vie. Ce n'est pas un amour diminué, raccourci.

Elle change parce qu'elle vit !

Notre mémoire de même !

La mémoire des 80 ans n'est pas inférieure à celle qu'on a utilisé toute sa vie, elle est autre. Ce n'est pas une mémoire raccourcie. Elle change parce qu'elle vit.

    • Elle change de rythme
    • Elle change de centres d'intérêt

Elle change de travail : elle est beaucoup plus une mémoire de retrouvailles avec tous les souvenirs de la vie qu'une mémoire d'acquisition. Besoin impératif de faire repasser tant de choses de la vie pour leur donner leur sens définitif. Construction de l'unité de notre vie, choix de l'image que nous voulons laisser de nous avant de partir. C'est bien tout cela. Nos enfants ont besoin de nous voir nous entretenir avec nos souvenirs.

Ce n'est pas notre mémoire qui faiblit, c'est nous qui voulons qu'elle fasse la même chose qu'à 5 ans ou à 30 ans. Nous ne savons pas nous y prendre. Il faut acquérir le savoir faire de notre mémoire de 60 ou 80 ans. Il faut faire des choses nouvelles avec cette mémoire nouvelle formule. Elle est différente, mais toujours bonne et performante.

3) Nous terminons une enquête qui nous a pris 3 années de travail. 1650 personnes, actifs, chômeurs, retraités. Les grandes leçons :

Ce n'est pas à 60 ans que commence la difficulté mémoire ressentie, mais à partir 35 ans. Ensuite cela ne bouge plus beaucoup.

Corrélation majeure entre mémoire, santé, vie relationnelle. Cela veut dire que pour que ma mémoire se tienne bien, il faut aussi que ma santé tienne, mais surtout que ma vie relationnelle, mes relations familiales, mes camaraderies, mes amitiés ne me lâchent pas. Si je veux que ma mémoire tienne, il faut continuer à rencontrer, à agir, à apprendre ...

La population à risque par rapport à sa mémoire n'est pas la population la plus âgée. C'est la population isolée qui se sent inutile. Les chômeurs sont bien plus en risque que les retraités.

Nous avons à apprendre ce savoir-faire qu'il faudra transmettre :

    • La mémoire ne s'use que si l'on ne s'en sert plus
    • Avoir des projets, des envies, des curiosités à satisfaire
    • Pas de bonne mémoire sans les autres

SAVOIR FAIRE AVEC LE TEMPS

Drôle de produit que le temps. On n'en prend conscience, un peu comme de l'air que l'on respire que s'il y en a trop ou pas assez.

Si je vous ennuie, le temps va vous paraître long

Si je vous intéresse, vous ne voyez pas le temps passer

Le temps de l'enfant, du gand-père, du père est-il le même ?

Oui, chronologiquement, mais le temps vécu par chacun. ?

Le temps de l'enfant, du gand-père, du père est-il le même ?

Oui, chronologiquement, mais le temps vécu par chacun. ?

Puis il y eu la retraite. On nous a remis tout notre temps. Parfois Overdose. Du coup il y en a trop. On ne sait plus comment l'occuper.

De quoi est fait le temps ? C'est un cocktail :

      • Rythmes
      • Durée
      • Projets

Le savoir-faire du temps du retraité : apprendre à le gérer :

GERER NOS RYTHMES : Rythme personnel quand arrive la retraite : trouver mon rythme quand le travail ne m'oblige plus à me lever le matin à heure fixe

Rythme de la vie en couple : durant la vie active, on vit en couple quelques heures par jour. Après le retraite, c'est et 24h. sur 24.. IL faut réapprendre à vivre ensemble.

GERER LA DUREE : Difficile de parler de la durée à ceux qui n'en ont pas fait l'expérience. Ce sont les insomnies, la maladie, ou la retraite qui permettent cette prise de conscience.

C'est dur l'expérience de la durée du temps. Réactions diverses :

"

Il me faut tuer le temps avant qu'il ne me tue"

"Je perds des choses, mais quelque chose qu'on perd, c'est quelque chose que l'on cherche, et cela fait déjà un peu de temps occupé" .

On le disait dément. Il était seulement isolé.

Beaucoup de personnes remplissent leurs vie d'activités pour ne pas se trouver nez à nez avec leur temps. Nous avons d'avantage de temps. Eviter de se le cacher. Savoir utiliser les insomnies. Ne pas se laisser prendre par la peur de la durée du temps.

GERER SES PROJETS : « Nul vent n'est favorable à celui qui ne connaît pas son port »

Façon imagée de dire que, si l'on n'a pas de projet, de désir, d'envie, notre temps est un peu comme un ballon dégonflé.

Nul vent n'est favorable à celui qui ne connaît pas son port

La batterie est à plat et ne transmet plus d'énergie pour que le moteur se mette en route. La tentation est de dire c'est l'âge !

Image de cette femme qui explique : "Quand je me lève la matin, je me demande qui m'attend aujourd'hui ?La plupart du temps je réponds personne". Il ne peut y avoir maîtrise du temps dans ces conditions.

La vraie question : quels projets remplissent ma vie d'aujourd'hui ? Dis-moi quels sont tes projets, je te dirai comment tu vivras ton temps.

Le savoir-faire qu'il faudra transmettre :

Le temps qui nous est donné, ce n'est pas seulement un étirement de notre vie pour qu'elle soit plus longue.

Notre vie s'est agrandie d'un temps nouveau. Il nous faut apprendre à le gérer, pour que les plus jeunes à leur tour aient envie de vivre cette longue durée qui va leur être proposée, qu'ils aient envie d'être vieux à leur tour, parce que cela vaut la peine de vivre la vieillesse.

Il nous faut trouver nos propres rythmes. Il nous faut entrer dans une nouvelle durée, l'habiter Il nous faut tisser de nouveaux projets pour donner sens à nos journées

Les plus jeunes qui nous regarderont se diront alors que ce temps, dans lequel ils entrent, cela vaut la peine d'y entrer, même si parfois l'avenir est un peu redoutable.

SAVOIR FAIRE AVEC NOUS-MEMES

Le plus difficile quand on avance en âge, c'est d'accepter d'avoir l'âge qu'on a.

Apprendre à être bien avec l'âge qu'on a. D'abord parce que l'on n'y peut rien. Ce sont les autres qui nous considèrent comme "vieux" ou âgés". Intérieurement, on ne se voit pas vieux. On est surpris que les autres nous disent que nous avons 80 ans

La première fois que j'ai été appelé "le vieux".. C'était de moi que l'on parlait, et moi je ne me savais pas vieux !

Apprendre à être bien avec le corps qu'on a :

Il y a autre chose à dire sur ce corps que d'énumérer les petites misères qu'il peut nous faire. Nous pourrions peut-être en éviter beaucoup si nous nous occupions mieux de lui : marche, gym, Yoga ... "Je fais à 90 ans des choses que je ne pouvais plus faire à 80 ans!"

Il y a autre chose à faire que de chercher à rendre moins visibles les signes de notre âge. Les signes du vieillissement de notre corps ne sont vraiment difficiles à porter que s'ils trahissent une âme qui a déjà déserté la vie...

Regardez Françoise GIROUD. Elle a ses 75 ans, mais quelle vie, et quel sourire !

Apprendre à être bien avec le coeur qu'on a : Jusqu'à la fin de sa vie, on a besoin d'être aimé, et d'avoir des personnes

Il y en qui savent se faire aimer : le vieil oncle que nous quittons et qui sait exprimer :" L'heure que j'ai passé avec vous est le soleil de ma semaine", comment voulez-vous qu'on ne l'aime pas.

Comment voulez-vous

qu'on ne l'aime pas ?

Savoir se faire aimer.

Il y en a qui trouvent toujours quelqu'un à aimer : la mamie qui répète tous les jours les noms des personnes de sa résidence pour être sure de pouvoir les saluer par leur nom : "c'est tellement plus agréable quand on peut appeler par son nom une personne", celle-là elle sait aimer.

Il y a ceux qui souffrent de leur solitude d'amour. C'est difficile à vivre, mais peut-être que chacun doit se prendre par la main pour sortir de son repliement sur lui-même.


Apprendre à être bien avec les handicaps qu'on a :

Jeanne Calment sourde, aveugle, mais vivante :

Le tissu de la robe de son anniversaire : "Il fera de l'usage" . Fêter encore un anniversaire ? "Non, j'en ai assez vu, mais pourtant je voudrais bien savoir ce qui va se passer cette année !"

Apprendre à être bien avec le temps qui nous reste à vivre :

"Tu sais cette nuit, je me suis récité toute la liste des rois de France"

A un visiteur qui semble inquiet devant la mort proche d'une amie, très handicapée, celle-ci lui dit : "Ne t'en fais pas, ce n'est pas si grave !"

Tous ces savoirs faire, nous les apprenons petit à petit au fur et à mesure que nous entrons dans la vieillesse.

Tant que nous vivons, c'est que nous n'avons pas encore achevé notre croissance.

Pour que les jeunes ne s'arrêtent pas en route devant les difficultés de la vie, ils ont besoin de ce que nous apprenons en ce moment : ce savoir faire avec notre mémoire, avec notre temps, avec nous-mêmes, finalement notre savoir être.

Par les temps qui courent, on a encore besoin que les anciens sachent découvrir ce qu'autrefois on appelait tout simplement la sagesse. Devant la vie on est toujours un apprenti. Nous sommes les apprentis de l'âge et du grand âge.


"A notre âge, nous avons acquis la maturité suffisante pour servir les jeunes générations. Nous ne recherchons plus ni l'argent, ni le pouvoir. Nous pouvons servir". (Simon PEREZ)

Ces apprentissages que nous sommes en train de faire, ils sont notre façon de tenir notre rôle vis à vis des jeunes générations, et du même coup ils deviennent eux aussi des savoirs à transmettre.

Donner jusqu'au

bout la lumière

dont chacun

est porteur

 

 

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